Cependant, telle était la puissance d’attraction exer-
cée par la Royauté française sur cette région de la
Sarre, que les comtes de Sarrebrück ne cessèrent point,
après le traité de Ryswick comme auparavant, et même
après le traité d’Utrecht, en 1713, de se rattacher à la
France et de combattre à son service durant tout le
XVIII° siècle, Les comtes de Sarrebrück comme les ducs
de Lorraine se trouvaient entraînés dans l’orbite de la
France à la fois par leurs goûts, par leur dépendance
féodale, par des nécessités de voisinage et l’affinité des
populations. Ils acceptèrent leur sort sans arrière-
pensée : forcés de choisir entre le Saint-Empire germa-
tique et la France, ils choisissaient la France.
Comme ses ancêtres, le prince Guillaume-Henri de
Nassau, comte’ de Sarrebrück, qui naquit en 1718, passa
une partie de sa vie à Paris ou dans les armées fran
çaises. En 1743, dans la guerre de la Succession d’Autri-
che, tandis que le maréchal de Noailles opérait sur le
Rhin contre les Impériaux, il demanda à servir sous ses
ordres. Il devint maréchal de camp en 1744, et lieute-
nant-général en 1748. À partir de 1767, le Roi lui octroie,
en surplus de ses appointements, une subvention annuelle
de 100.000 livres pour l’entretien de ses régiménts. Sa
femme, la princesse Sophie de Sarrebrück, personne
très éclairée, visait au bel esprit; c’est à elle que Dide-
rot, en 1738, dédia sa comédie, /e Père de famille.
À son tour, d’éducation et de sentiments français, le
comte Louis de Sarrebrück (1768-1794), fils de Guillaume-
Henri, partage sa vie entre le métier des armes, ses
séjours dans son château de Sarrebrück et Paris qu’il
affectionnait. En 1779, il y achète une maison à son ami
et camarade des camps, le comte de Balincourt.
C’est ainsi que, graduellement et jour par jour, avec
une admirable persévérance, la Monarchie française, qui
ne violentait personne, s’acheminait vers l’absorption
sans secousse du comté de Sarrebrück, comme elle avait
absorbé la Lorraine, à la grande satisfaction des habi-
tants. En brusquant le mouvement, la Révolution vint
tout gâter.