Quoi qu’il en soit, le catalan n’est pas limité à Factuel territoire de la
Catalogne. On comprendra dès lors que le terme même de Catalogne soit
imprécis:
- En premier lieu, et au sens étroit et surtout juridique du terme, on désigne
habituellement par Catalogne ce que certains historiographes catalans
préfèrent dénommer le „Principat,“ c’est-à-dire précisément le territoire
des quatre provinces de Barcelone, Tarragone, Lérida et Gérone: c’est dans
cette acception limitative, mais non controversée sur le plan juridique, que
l’on utilisera ici le terme de Catalogne;
- pourtant, il existe aussi la Catalogne au sens large, terme qui désigne alors
un territoire regroupant non seulement les quatre provinces espagnoles
mentionnées plus haut, mais aussi le département français des Pyrénées-
Orientales ou Roussillon, zone qualifiée par les Catalanistes de „Catalunya-
Nord“, (on sait que ce territoire fut perdu par l’Espagne lors du Traité des
Pyrénées de 1659). Mais cet usage, prôné par certains cercles nationalistes
catalans, n’a rien d’officiel. En outre, la situation linguistique y est sans
commune mesure avec celle du „Principat“;
- enfin, pour désigner l’ensemble des terres de langue catalane, on a souvent
recours à l’expression, désormais couramment admise, de „Països catalans“
(= Pays catalans ou catalanophones), dans laquelle l’adjectif „catalan“ se
réfère à la langue seule (un peu à la façon de ce qui se passe avec la
Communauté française de Belgique, où l’adjectif „français“ ne se réfère
pas à la nationalité). A condition de ne pas l’employer dans un sens
impérialiste, cette expression semble fort adéquate.
0.2. Aspects diachroniques: le poids de l’Histoire
On pourrait s’interroger en paraphrasant Montesquieu: „Comment peut-on être
Catalan?“ et subsidiairement se demander si l’on peut comprendre le cas catalan
sans références historiques. Mais poser cette question, c’est y répondre. En
effet, un bref regard sur la longue et très mouvementée histoire de la langue
catalane est d’autant plus indispensable que les rappels et références de type
historique sont toujours et encore de mise.
Certes, on peut tenter, dans le sillage d’Antoni Griera, de faire remonter les
origines du catalan à la latinisation de la Péninsule ibérique, mais il faut
rappeler que la Provincia Tarraconensis ne correspondait pas aux actuels
territoires catalanophones. Par ailleurs, il est vrai que dès le Xe siècle, on
trouve bien dans des documents d’origine carolingienne des exemples isolés de
traits linguistiques assimilables à des catalanismes; il n’en est pas moins certain
que les premiers textes en catalan ne sont guère antérieurs au XIIIe siècle: il
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