dite „modérée“ et la grande majorité des journaux catholiques espèrent une détente
internationale. La revue catholique progressiste La Cité Chrétienne, dont P.
Sauvage a finement analysé l’attitude à l’égard du Reich, s’engage très loin dans la
politique de la main tendue. Tirant les leçons du plébiscite, elle écrit : Désormais,
c’est avec cette Allemagne naziste (sic) que nous devons travailler dans un esprit
pacifique (. . .)• H ne s’agit ni d’admirer, ni de flétrir un régime; il s’agit de vivre
en paix avec un grand peuple voisin et de tâcher de collaborer avec lui au bien
commun, dans la mesure du possible15.
Les analystes communistes, socialistes, libéraux, démocrates chrétiens et même
catholiques conservateurs font état des multiples pressions ou intimidations
exercées sur le corps électoral. Explicitement ou implicitement, tous refusent
cependant d’y voir la cause unique du résultat: ce serait se leurrer que de leur
attribuer une trop grand importance, reconnaît L’Action Socialiste, pourtant
porte-parole d’une gauche radicale16. Antibelge, farouchement „grand-néerlandais“
et sans conteste pronazi, l’hebdomadaire Jong Dietschland ne fait pas le détail: il
oppose les garanties données aux Sarrois, en matière de secret du vote, à la
brutalité du décret belge sur Eupen-Malmedy, au lendemain de la première guerre
mondiale17 18.
Divers journaux, de toutes tendances, soulignent combien le statu quo était une
formule compliquée et peu attrayante. La presse anticléricale épingle l’attitude
équivoque du Vatican, ainsi que l’engagement proallemand de l’épiscopat et d’une
bonne part du clergé : ces comportements ont été, dit-elle, déterminants pour la
presque totalité des consciences timorées, surtout féminines^. Les quotidiens et
revues catholiques justifient l’attitude du Saint-Siège, tout en rappelant le dilemme
des Sarrois attachés aux droits de l’Eglise. Les périodiques démocrates chrétiens -
qualificatif qui, en Belgique, désigne la frange progressiste du monde catholique -
concèdent toutefois que certains mandements épiscopaux ont effectivement pesé
sur les consciences en faveur du rattachement à l’Allemagne. Les journaux libéraux
sont les seuls à accuser les communistes de duplicité, à tout le moins d’intentions
sournoises: qui sait s’ils n’ont pas reçu de Moscou l’ordre de se rallier au
rattachement [à l’Allemagne], pour continuer à travailler illégalement dans le
Reich19 ?
Le scrutin est-il un triomphe remporté par le régime? De part et d’autre de la
frontière linguistique, les démocrates chrétiens divergent d’opinion. Het Volk,
sensible sans doute au thème de la „Volksgemeinschaft“, nie que le plébiscite soit
15 La Cité Chrétienne, 20-2-1935, p. 226. Sur l’attitude de cette revue à l’égard de l’Allemagne
nationale-socialiste, cf. P. Sauvage, La Cité Chrétienne (1926-1940). Une revue autour de Jacques
Leclercq, Bruxelles 1987, p. 144-175.
16 L’Action Socialiste, 19-1-1935, p. 3. Sur cet hebdomadaire et le courant qu’il relaie, voir M.
Staszewski, Une tendance de gauche dans le Parti Ouvrier Belge: „L’Action Socialiste“, mémoire
de licence de l’Université de Bruxelles, Bruxelles 1975.
17 Jong Dietschland, 20-1-1935, p. 11 (notre traduction). Sur cette publication, subsidiée dès 1928 par le
ministère allemand des Affaires Etrangères, voir J. DE CEULAER, Jong Dietschland, in : Encyclopédie
van de Vlaamse Beweging 1 (1973), p. 721-722, ainsi que M. DE WILDE, op. cit., p. 9-10.
18 L’Action Socialiste, 19-1-1935, p. 3; La Dernière Heure, 17-1-1935, p. 1.
19 Het Laatste Nieuws, 16-1-1935, p. 1 (notre traduction); La Dernière Heure, 17-1-1935, p. 1.
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