le Bureau met à l’étude un nouveau monument aux morts français des deux guerres
dans le cimetière français de Spire, un monument à la mémoire des Américains tom¬
bés en franchissant le Rhin à Remagen, des monuments commémorant le passage du
Rhin par la lère armée française à Germersheim, le passage du Danube à Sigma-
ringen. Michael François suggère même, pour le site du Deutsches Eck à Coblence,
un monument symbolisant "La France apportant la Liberté à la Rhénanie".23
Enfin, les autorités françaises suspendent l’érection de tout monument commémoratif
pour les anciens camps d’extermination, dans l’attente de la décision du Conseil de
Contrôle Interallié. Mais la discussion menée à Berlin en 1946 en vue de l’élaboration
du programme du concours pour le modèle unique de monument à élever dans les
camps de déportation n’aboutit pas. Dès lors, le projet de monument commémoratif
pour le camp de la Neue Bremm, élaboré par André Sive*, est approuvé sans réserve
par Robert Renard, officier-architecte de la Sarre.
Conclusion
En dépit des difficultés qu’il a rencontrées, le Bureau de l’architecture a tenté, durant
ses trois années de fonctionnement, d’élaborer et de mener une politique architectura¬
le et patrimoniale inspirée des principes alors en vigueur en France. Une certaine
rigidité dans l’exposé des directives ne doit pas faire oublier la relative souplesse des
attitudes des architectes en poste dans les Délégations. Certains établissent une réelle
complicité avec les services allemands qui soutiennent la pose d’affiches de protection
et leurs démarches en vue d’obtenir, auprès d’administrations récalcitrantes (une
grande partie de la population n’est pas encore relogée), les matériaux nécessaires à
la mise hors d’eau des grands édifices de la zone. Les projets les plus originaux du
Bureau de l’architecture, concours pour le Deutsches Eck, chantiers-types, se sont
heurtés au veto de la hiérarchie de Baden-Baden ou des provinces, nouvel exemple
des désaccords au sein du Gouvernement Militaire.
La conception étroite d’un patrimoine allemand d’influence française aboutit néan¬
moins pendant les années de l’occupation au sauvetage d’un certain nombre de
monuments de la zone française, qui sans la ténacité des architectes français, se
seraient effondrés avant que l’Allemagne soit en mesure d’en entreprendre la restau¬
ration. Ce résultat n’est peut-être pas si négligeable, au moment où l’Allemagne, dont
la conscience nationale est historiquement enracinée dans son patrimoine monumen¬
tal et urbain, doit reconstruire son identité sur des ruines.
23 Le monument aurait remplacé la statue de Guillaume Ier, jugée irréparable par Monnet*.
Bertrand Monnet*, Compte-rendu (N. 18).
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