Il n’est pas question ici d’entrer dans les détails sur le fait que le pouvoir de Berlin a
obligé la Municipalité à bâtir, depuis 1871 et d’une façon prioritaire, des quartiers
nouveaux, une véritable ville nouvelle, la Neustadt, appelés aussi les quartiers alle¬
mands, premièrement pour le besoin de la nouvelle fonction de capitale du Reichs¬
land et deuxièmement pour accueillir les populations allemandes qui affluaient en
grand nombre vers ce ’nouveau paradis du Sud’. Notons seulement que la bourgeoisie
alsacienne est, vers le début du XXe siècle, déjà assez forte pour imposer son projet
urbain ancien de reconstruction du centre historique gravement endommagé pendant
le siège de 1870, où les conditions d’habitation des couches populaires étaient des
plus précaires. Ce projet local a en effet été constamment retardé par Berlin depuis
l’annexion de l’Alsace-Lorraine.
La mise en place du grand projet urbain dit Grande Percée, Großer Straßendurch¬
bruch, voté par la Municipalité en 1907, a été la réponse strasbourgeoise à la question
urbaine et du logement par une politique d’assainissement et d’embellissement du
centre historique (comparez dans ce volume l’article de Stefan Fisch). Il s’agissait de
la réalisation d’une large voie nouvelle Nord-Sud de 1,4 km de long et de la cons¬
truction d’un quartier tertiaire nouveau moderne autour de cet axe, par la démolition
de 135 immeubles vétustes de 42 000 m2 de surface au sol. Projet ambitieux qui n’a
pu être terminé qu’en 1950. Pour la première tranche de 400 mètres de long, la rue
du 22 Novembre actuelle, il a fallu rapidement déloger et reloger près de 460 familles
et plus de 300 célibataires âgés. Pour le relogement des 460 familles, les concepteurs
municipaux du projet ont décidé de choisir la forme urbaine de cité-jardin et pour la
réalisation de celle-ci ils ont fait appel à la Gemeinnützige Baugenossenschaft.5
Les principaux acteurs du projet
L’acteur principal du projet est la Ville de Strasbourg, sa majorité municipale libérale
et le maire libéral de gauche, l’Alsacien Rudolf Schwander (1868-1950). Protégé et
collaborateur proche du maire précédent, le Vieil-Allemand Othon Back (1834-1917),
très populaire, mais qui ne voulait plus se représenter, Schwander lui succède dans
des conditions très particulières.6 En effet, il n’était que le deuxième candidat de son
parti libéral, mais les sociaux-démocrates l’ont fait élire en 1906, contre le candidat de
droite Vieil-Allemand du parti libéral. Or, le programme électoral social-démocrate
5 A Arbogast, Un problème d’urbanisme: la Grande Percée à Strasbourg, Strasbourg 1953,
49p.; Compte rendu de l’administration de la Ville de Strasbourg - Verwaltungsbericht der
Stadt Straßburg, Ed. Office Municipal de Statistique de Strasbourg 1935, 1392 p. (bilingue,
période de 1919-1935), p. 503 et suite; Albert Fix, Cent ans de politique de l’habitat. L’Office
du logement de la Ville de Strasbourg, Editions Gyss, Obemai 1978.
6 Aexander Dominicus, Straßburgs deutsche Bürgermeister Back und Schwander, Frank¬
furt/Main 21939; Igersheim (N. 4 = voir Note 4); Société Coopérative des Logements
Populaires - Gemeinnützige Baugenossenschaft, Historique depuis la Fondation - Geschichte
der Genossenschaft, Strasbourg 1923-24, 54 p. (bilingue); Stéphane Jonas, Urbanisme réformi¬
ste et habitation en Europe au début du XXe siècle, in: Espaces et Sociétés, Nos 34-35, Paris
1980.
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