Jean-Jacques Cartai
L’Extension de Metz, la ville comme paysage
L’extension de Metz hors ses murs se fit à partir de 1903 sous la direction d’un
architecte allemand Konrad Wahn. 11 y mettra en application d’une manière exem¬
plaire les théories urbanistiques allemandes de la deuxième moitié du 19ème siècle.
Enoncé dans les ouvrages de Baumeister, Sitte et Stübben, l’art de bâtir les villes
devait tenir compte à la fois des aspects fonctionnels, hygiéniques, juridiques, écono¬
miques et esthétiques. C’est l’aspect esthétique et son rapport avec l’art du paysage,
tel qu’il fut élaboré au 18ème siècle, qui retiendra ici notre attention.
Le principe de l’unité dans la diversité
Le principe esthétique fondamental avancé dans les traités d’urbanisme allemands du
19ème siècle est celui de l’unité dans la diversité. Il est énoncé tel quel en 1876 par
Reinhard Baumeister dans son ouvrage "Stadterweiterungen in technischer, baupoli¬
zeilicher und wirtschaftlicher Beziehung".1 Dans ce traité il déclare: "Das ästhetische
Grundgesetz der Einheit in der Mannichfaltigkeit (sic) ist auch von einem Stadtplan
oder wenigstens von dessen einzelnen Bezirken zu fordern".2
En disant cela, Baumeister reprend à propos de l’art urbain un principe avancé par
Gustav Theodor Fechner la même année dans "Vorschule der Ästhetik".3 Fechner
faisait la constatation suivante: afin de retenir l’attention d’un observateur, un sujet
doit présenter une certaine diversité. Dans le cas contraire l’activité perceptive suscite
une impression de monotonie, d’uniformité, d’ennui, de vide, de pauvreté qui incite
l’observateur à se tourner vers un autre sujet. Il est cependant nécessaire que les
différents éléments composant le sujet soient reliés par des aspects communs pour
éviter l’impression de dispersion, d’absence d’unité qui à leur tour conduiraient au
désintérêt. Selon Fechner, une oeuvre d’art nous plaira à la fois par ses parties
constitutives qui s’enchaînent et par la diversité des éléments présentés. "Das sind
thatsächlich verschiedene Seiten des Gefallens, die beim vollen Genügen Zusammen¬
treffen müssen"4 remarque l’auteur et il poursuit ainsi: "dass der Mensch, um Gefal¬
len an der receptiven Beschäftigung mit einem Gegenstände zu finden - denn mit der
activen befasst sich die Aesthetik wesentlich nicht - eine einheitlich verknüpfte
1 Reinhard Baumeister, Stadterweiterungen in technischer, baupolizeilicher und wirtschaftli¬
cher Beziehung, Berlin 1876.
2 Baumeister (N. 1) = voir Note 1, p. 97.
3 Gustav Theodor Fechner, Vorschule der Ästhetik, Leipzig 1876.
4 Fechner (N. 3), 3ème édition 1925, p. 54.
147