A. L’évêque, ses châteaux et ses vassaux.
Peu après que la puissance de l’évêque et de l’évêché de Metz eut été reconnue et
soulignée, les princes laïcs s’y attaquèrent en profitant de l’affaiblissement passager
de prélats qui appartenaient au camp pontifical contre l’empereur, et à qui manquait
désormais l'appui du souverain. Les adversaires de l'évêque se jetèrent sur ses biens
éloignés, comme Epinal et Deneuvre, et sur le Saulnois, riche en sel. Les Gesta. qui
forcent un peu la note, déclarent qu’à la fin il ne restait plus à Etienne de Bar, devenu
évêque en 1120, que la cour de Remilly. La reconquête du patrimoine commença très
vite; Etienne coiffa le casque et partit réoccuper les châteaux qui lui échappaient. Il
mit à la raison des avoués-châtelains, quitte à faire de longs sièges, comme celui de
Pierre-Percée, et n'hésita pas à affronter le duc de Lorraine et les soldats du comte de
Bar, son frère. Il fit la guerre contre des forteresses aussi solides que Dieulouard et
Prény. L’énoncé de ses hauts faits conduit le rédacteur des Gesta à nommer dix-sept
châteaux et forteresses, auxquels il eut affaire. Les successeurs d’Etienne ne furent
pas en reste, et achetèrent d’autres châteaux, Haboudange, Varsberg, Raville, inter¬
vinrent à propos de Sierck et de Conflans, se firent confirmer Sarrebruck.
Durant tout le XIIe siècle il semble que l’évêque attaque autant qu’il se défend, qu’il
se place sur un pied d’égalité avec les grands laïcs qui bâtissent leurs seigneuries. Et
pourtant l’évêque a alors fort à faire dans ses fonctions de chef du diocèse au moment
où le clergé séculier prend conscience de son rôle, au moment où tant de nouveaux
monastères sont fondés, quand les paroisses changent de patrons pour passer aux
moines et aux chanoines. Assimilant son combat à celui des princes et des barons,
l’évêque use des voies vassaliques pour gouverner. Il ne peut éviter de confier cer¬
tains de ses territoires en fief à des comtes et des avoués. Très vite une distinction
importante doit être faite entre les vassaux qui gèrent de façon indépendante le fief
qu’ils ont reçu et ceux qui demeurent des agents dociles, comme châtelains et avoués.
Les châteaux et territoires lointains ont été cédés à des vassaux indépendants qui
créent des comtés: Sarrebruck, Blieskastel, Sarrewerden, Salm, ou des seigneuries:
Commercy, Apremont. De toutes ces inféodations on n’a que deux traces très brèves:
une notice tardive et inscrite par hasard dans un livre liturgique a conservé le souve¬
nir de l’inféodation d'Apremont fait à un ministérial de Verdun, qui devint seigneur
du lieu et fonda une seigneurie dans la Woëvre. Une mention fugitive indique que
Hermann de Luxembourg et de Salm est devenu le miles (entendons vassal) de
l’évêque de Metz, et l’on peut penser que le fief reçu était l'abbaye de Senones sur le
territoire de laquelle fut érigé plus tard le château de Salm en Vosges. On peut imagi¬
ner que les comtes de Blieskastel ont succédé aux comtes du Bliesgau et que l’évêque
est devenu leur suzerain; pour Sarrebruck, il n’y pas d'explication analogue. Tout au
long du XIIe siècle, alors que régulièrement des hommages ont dû être prêtés, rien ne
filtre des relations féodo-vassaliques contrôlées par le prélat. A lire les actes des
évêques de Metz de cette époque, on croirait qu’ils se sont tenus hors du régime
féodal.
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