2° Au XVIIIe siècle, les missions de la réforme catholique
En cette fin du XVIIe siècle, il y avait déjà longtemps que les hommes d’Eglise les
plus lucides et les plus expérimentés ne croyaient plus à l’effet des missions pour con¬
vertir les protestants. Tout n'était-il pas très mal engagé à partir du moment où le
pouvoir royal prenait tant d’intérêt à l’affaire et en venait à utiliser - comme cela
s’était produit dans toute la France après 1685 - les missionnaires comme de simples
instruments d'une politique? Dès 1686 - 1687 les Jésuites alsaciens ainsi que les auto¬
rités ecclésiastiques du diocèse de Strasbourg étaient parfaitement conscients de
l'inutilité des conversions massives de protestants. Ne valait-il pas mieux se consacrer
au renforcement des communautés catholiques et à l’approfondissement de leur vie
religieuse?18. On en revint donc à l’esprit originel de la mission conçue comme un acte
de conversion, de renouvellement intérieur, pour des populations rurales oublieuses
de l’enseignement évangélique.
L’exemple venait cette fois-ci de l'Ouest, de ces collèges de la Compagnie établis à
Nancy, à Pont-à-Mousson, à Epinal, à Bar-le-Duc et aussi à Metz qui depuis le début
du XVIIe siècle envoyaient régulièrement des équipes de missionnaires dans de très
nombreux bourgs et villages de Lorraine19. Le mouvement, comme dans le reste de
l’Europe, s’était intensifié d’une façon considérable, à partir de 168020. Selon une
enquête récente, les seuls prédicateurs des collèges de Nancy et de Pont-à-Mousson,
avaient accompli, entre 1680 et 1768, 349 missions21. Il faut dire que le prince était
pour beaucoup responsable de cette activité considérable. Une des premières déci¬
sions prise par le roi de Pologne, Stanislas Leszczinski, devenu duc de Lorraine, fut
de fonder l’œuvre des «missions royales» (1739). Dotée de fonds considérables,
600.000 francs, l’institution avait un double but : former des missionnaires ruraux et
diriger leurs travaux dans tout le duché avec une préférence pour les zones les plus
deshéritées. «Les missionnaires devaient être au nombre de huit, sous l’autorité d’un
Supérieur, et logés au Noviciat. Le ressort de leur activité embrassait tous les Etats de
Sa Majesté Polonaise, c’est-à-dire la plus grande étendue des diocèses de Tout et de
Verdun et partie des diocèses de Metz et de Trêves. Chaque année, les prédicateurs
étaient tenus de donner un ensemble de 12 missions de 3 ou 4 semaines : 6 pour le
seul diocèse de Toul, 6 pour les autres diocèses, dont 2 en langue allemande. La
désignation des paroisses, du nombre des missionnaires, de l’époque, des dates ex¬
trêmes des exercices, revenait aux évêques respectifs»22. A Dieuze et dans sa région
ce furent les Jésuites de Nancy qui vinrent prêcher et catéchiser en vertu d'anciennes
fondations. Ils poursuivirent avec régularité leur action tout au long du XVIIIe siècle,
grâce à l’œuvre du roi Stanislas. Après leur départ, en 1768, les religieux de la congré-
IB Châtellier, op. cit. (cf. note 12) p. 259-341.
19 AD MM H 2232, Tableau des missions des Collèges de Lorraine (vers 1778); Delattre, op.
cit. (cf. note 6), T. III, col. 229-303, voir col. 264-269.
20 Louis Châtellier, De «la crise de consciencé européenne» aux missions rurales : change¬
ment religieux dans les campagnes au début du XVIIIe siècle, Histoire, Economie et Société,
n° 2/1989, p. 237-248.
21 Olivia Caneau, Les missions des Jésuites en Lorraine au XVIIIe siècle, mémoire de maîtri¬
se, université de Nancy II, 1989,160 p. + annexes, dactylographié, p. 52.
22 Delattre, op. cit., t. III, col. 756-768.
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