Introduction
Dans des régions et à une époque où il existe peu ou prou d’actes notariés, l’histo¬
rien du commerce ne dispose souvent que de l’un ou l’autre privilège et tarif de
tonlieu à l’interprétation délicate, de mentions parfois fortuites d’infrastructures
commerciales et de fiscalités frappant le trafic ou les échanges commerciaux, d’ins¬
criptions d’achats et de ventes éparses dans des archives princières, ecclésiastiques,
urbaines ou seigneuriales. L’archéologie ne lui vient que peu à peu en aide. Prati¬
qué assez précocement en de nombreux endroits, l’affermage ou l’abonnement de
revenus à caractère économique le prive par ailleurs de plus ou moins fiables indi¬
cateurs conjoncturels. La rareté des sources permettant de saisir le commerce dans
sa réalité quotidienne, si possible en le quantifiant, confère dès lors énormément de
prix aux documents consignant, avec un minimum de précisions, les opérations d’un
homme d’affaires, les transactions sur une place marchande, le trafic sur une voie
terrestre ou fluviale.
Pour la fin du moyen âge et le début de l’époque moderne, les confins septentrio¬
naux de la Lorraine et la vallée de la Moselle, dans son cours moyen et inférieur,
ne sont pas de ce point de vue mieux lotis que bien d’autres contrées d’entre Loire
et Rhin. Les chercheurs savent dès lors gré à Jean Schneider d’avoir édité la comp¬
tabilité de deux merciers messins en 1460-14611 et à Richard Laufner d’avoir
publié le compte du tonlieu de marché de Trêves de 1435-14362.
À mi-chemin environ de Metz et de Trêves, virtuellement enchâssée dans les terres
luxembourgeoises, la forteresse lorraine de Sierck3 est, au XVe siècle, une position
avancée des dynastes nancéiens sur la Moselle. Les ducs ne possèdent la souverai¬
neté que sur un court tronçon du fleuve mais y détiennent, depuis le XIIe siècle, un
important péage frappant tout à la fois le trafic fluvial et terrestre. Des officiers
princiers y sont commis à la perception du droit et ont laissé, pour vingt-et-un
exercices entre 1424 et 1549, les comptes des droits acquittés en quelque 3 500 pas¬
sages4. Pour la vallée mosellane en aval de Metz, on ne dispose d’aucun autre
compte de péage pour le XVe siècle et, pour le XVIe, uniquement de ceux du
contre-impôt luxembourgeois à Remich (1561-1564) et à Thionville (1561-1571),
n’enregistrant qu’une partie du trafic5, et du tonlieu de Pfalzel en aval de Trêves
1 Schneider, Recherches.
2 Laufner, Handelsbereich. - À propos de la datation de ce document: MATHEUS, Trier, p. 6, note
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3 aujourd’hui Sierck-les-Bains, France, Moselle, chef-lieu de canton.
4 Parmi d’autres séries existant pour la Lorraine centrale et méridionale, les comptes du péage de
Nancy méritent une mention particulière. Deux d’entre eux ont été analysés par SCHWEYER, Un
péage lorrain.
5 AGR, CC, reg. 24286 et 24287. Le compte de Thionville a été publié par STILLER, Un siècle, p. 80-
88. Voir aussi STILLER et Ancel, Thionville, p. 49-57, et YANTE, Réactions.
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