Chapitre 6
Le trafic dans les années 1474 à 1494
Reliant "pays de par-deçà" et "pays de par-delà", les routes lorraines revêtent une
importance vitale pour les ducs de Bourgogne. Dans les premières années du XVe
siècle, Louis d’Orléans avait essayé de couper ces communications en mettant la
main sur Verdun, Metz et le Luxembourg. La politique de Louis XI interdisant à
Charles le Téméraire les routes de Champagne et du Barrois et tentant même de
barrer la Woëvre, pose avec une acuité accrue le problème des liaisons internes de
l’État bourguignon. La sécurité de la route mosellane par Metz et Thionville devient
un objectif prioritaire. Quand René II de Lorraine, prétextant les difficultés susci¬
tées par les passages de troupes et comptant sur l’appui du roi de France, dénonce
brutalement son alliance avec la Bourgogne, Charles le Téméraire relève le défi et,
bien décidé à donner à ses États une indispensable cohésion territoriale, se lance à
l’automne 1475 à l’assaut de Nancy1.
Redoutant une attaque de Sierck, place voisine du Luxembourg, les Lorrains y
avaient posté des troupes dès le mois d’août. La forteresse se rend toutefois aux
Bourguignons le 11 décembre suivant. À la date du 1er janvier 1476, une nouvelle
administration est mise en place dans les châtellenies du bailliage d’Allemagne.
Après un essai infructueux en juin 1476, les Lorrains récupèrent la position le 16
janvier 14772. Quelques jours plus tôt, Charles le Téméraire avait été relevé parmi
les morts devant Nancy.
Au tonlieu luxembourgeois de Remich, le revenu est affecté, dès le début des an¬
nées 1470, par les hostilités burgondo-lorraines et leurs suites plus ou moins immé¬
diates. Il faut attendre la décennie 1490 pour qu’il se hisse à des niveaux jamais
atteints depuis la mise en place du régime bourguignon à Luxembourg3. Les six
exercices conservés pour le poste lorrain de Sierck entre 1474 et 1494 reflètent bien
cette conjoncture dans la vallée mosellane. En 1474-75, période particulièrement
troublée, 97 passages sont enregistrés en l’espace de 18 mois. La reprise patente
dans les années 1480 (178 taxations en 1481, 185 en 1484, 190 en 1486) demeure
fragile: chute à 110 impositions en 1483. Le chiffre des 320 est par contre atteint
en 1494.
1 Voir notamment plusieurs études parues à l’occasion du 500^ anniversaire de la bataille de Nancy:
Richard, Lorraine, p. 122; Schneider, Charles le Hardi; Id., Conseiller; 1D., Guerre, p. 95; Id.,
Metz, p. 305.
2 SCHNEIDER, Charles le Hardi, p. 31-33; ID., Guerre, p. 102-103, 113 et 119. - Une partie de
l’ancienne administration reste en place sous l’occupation bourguignonne, dont vraisemblablement
le receveur du péage de Sierck (ADMM, B 9354, f° 4r). - Établissement d’une garnison bourgui¬
gnonne à Sierck: Recueil...du Fay, p. 136-137, n° 71 (août 1476).
3 Cf. supra, p. 18.
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