fortuit, ni récent: dès 804, un comte Wigeric (Wiggiricus) avait fait des donations au mona¬
stère de Gorze84 et au début du Xe siècle, un Wigeric fut abbé de ce monastère,85 avant de
devenir évêque de Metz. Le mariage de Gozlin avec Uda, soeur du comte de Metz Matfrid,
et celui de Liutgarde avec Adelbert, fils de Matfrid et lui-même comte de Metz, furent cer¬
tainement conclus sous l'épiscopat d'Adalbéron, dans le but d'unir la famille comtale et la
famille épiscopale.
L'exemple des Adalbéron n'est pas unique. Les Matfrid, les Ansfrid et d'autres familles lotha-
ringiennes comprirent tout l'intérêt qu'elles pouvaient tirer des fonctions épiscopales.
Richer, frère des comtes Gérard et Matfrid,86 était évêque de Liège (920-945), tandis que ses
neveux Wicfrid et Bernoin occupaient les sièges de Cologne (924-953) et de Verdun (925-
939). Son petit-neveu Wicfrid fut ensuite évêque de Verdun (962-983). Baldéric Ier, évêque
de Liège de 956 à 959, était un neveu de Régnier ¡11 et de Rodolphe. Son neveu Baldéric II
fut à son tour évêque de Liège de 1008 à 1018...87
Les fonctions épiscopales avaient toujours été des enjeux de pouvoir et elles l'étaient encore
dans la Francie des Xe-XIe siècles. Ce qui est différent en Lotharingie, c'est que les familles
aristocratiques semblent s'être rassemblées, organisées autour de ces enjeux de pouvoir-là,
plus qu'autour des autres, ce qui empêcha la constitution au Xe siècle de lignages princiers,
dotés d'une réelle conscience dynastique. Même lorsque les grandes familles aristocratiques
eurent imposé la transmission directe des fonctions ducales ou comtales, l'existence de véri¬
tables „parentèles épiscopales", de nature fondamentalement indifférenciée et cognatique
(Bernoin de Verdun était le beau-frère du comte Adalbert, Baldéric de Liège le fils d'une
soeur de Régnier III, Wicfrid de Verdun le fils d'une soeur du comte Godefroid, Adalbéron
Il de Metz un lointain cousin de son prédécesseur Thierri_), maintint un mode de domina¬
tion extensive de l'espace qui garantit finalement la suprématie impériale, puisque ces évê¬
ques étaient avant tout les fidèles de l'empereur.
Enfin, les réformes administratives, consécutives à l'absorption définitive de la Lotharingie
par le royaume de Germanie, et la montée de forces centrifuges88 freinèrent un temps la
constitution des lignages, en contribuant à l'éclatement des anciens pagi et en accélérant la
mobilité des hommes: avant qu'il ne fût donné à l'évêché de Liège en 985, le comté de
Huy, apparu en tant que tel dans les années 940,89 fut successivement tenu par Ermenfroid,
Folcuin et Ansfrid qui n'avaient entre eux aucun lien de parenté.90 Cela permettait aussi aux
84 A., D'HERBOMEZ, Cartulaire de l'abbaye de Gorze, Mettensia II, Paris 1898, n° 42 et 43.
85 En 877, un Widric était comte vers la Meuse (Capitulaire de Quierzy, M.G.H. Il, p. 359). Wigeric, père
d'Adalbéron, était comte du Bidgau avant de devenir cornes palatii. Il fut abbé d'Hastière (Saint-Lam¬
bert de Liège n° 11). Un Wigeric fut abbé de Gorze (Gorze n° 89 et 90), avant de devenir évêque de
Metz. En 959, un Wigiric, fils d'Adelinde, fit une donation à Gorze (Gorze n° 108). et p. 71-78.
86 HLAWITSCHKA, Die Anfänge ... op. cit. (note 73) et p. 154-178 et Id. „Die Herkunft der Bischöfe
...", art. cit., p 71-78.
87 Sur Liège, J-L KÜPPER, Liège et I 'Eglise impériale Xle-Xlle siècles, Paris 1981.
88 A. LARET et C. DUPONT, „A propos des comtés post-carolingiens: les exemples d'Ivoix et de Basto-
gne", Revue Belge de Philologie et d'Histoire LVII (1979), p. 805-823.
89 A. DIERKENS, „Les Ansfrid et le comté de Huy au Xe siècle", Annales du cercle hutois des sciences
et des Beaux-Arts XL! (1987), p. 55-77, et la bibliographie sur Huy qui s'y trouve citée.
90 Ibid., p.61.
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