pour l'abbatiat laïc.22 L'histoire de ce royaume ne se fait pas sans une attention extrême por¬
tée aux grandes abbayes, car pour un seigneur, laïc ou ecclésiastique, disposer d'un grand
monastère, c'était avoir un refuge ou une résidence, avoir des revenus, avoir des points
d'appui territoriaux.
2) On imagine bien que les comtés étaient entre les mains des grandes familles du pays et
que Lothaire avait intérêt à soigner ses relations avec eux. Il faut donc ici confondre l'ana¬
lyse des titulaires des fonctions comtales avec celle des grandes familles aristocratiques.
Parmi les dynasties importantes, deux étaient proches de Lothaire et devaient quitter le
royaume de Charles le Chauve pour revenir à leur pays d'origine: la famille du beau-père
de Lothaire, Hugues le Peureux, c'est-à-dire la dynastie des Etichonides en Alsace,23 et puis
celle des Matfrid autour de Metz.24 Hugues le Peureux et Matfrid avaient tenu à la cour de
Louis le Pieux un rôle qui ne fut pas toujours honorable. A ces deux grandes lignées de
comtes européens, il faut ajouter celle des Guis-Lamberts (Widonen) qui ne furent jamais
totalement absents de la région sarroise, bien qu'ils aient fait aussi carrière au loin, en Bre¬
tagne et en Italie.
Il faudrait ensuite mentionner la famille des Bosonides25; ils étaient très présents depuis l'ar¬
rivée de Bivin à la tête de Gorze et de Teutberge à la cour de Lothaire II, ils restèrent pré¬
sents jusqu'à la mort du comte Boson en 935. Durant les siècles qui ont suivi, ces puissan¬
tes dynasties ont joué un rôle capital puis ont soudain disparu. Les Etichonides se sont seuls
retrouvés dans des lignées comtales, mais ils s'arrêtent peu après l'an 1000; les Matfrid se
prolongent par des pointillés dans la maison ducale de Lorraine.
D'autres familles comtales émergent peu à peu : les lignées des Etienne, des Odacre (Auda-
cer), des Meingaud (avec peut-être un saint, le saint Mangold de Huy), des Folmar de la
Sarre et de Metz. Les noms énumérés auprès de Charles le Chauve en 877: Arnoul, Gisel-
bert, Liétard, Matfrid, Wigeric, Adalbert, Ingelger, Régnier, nous placent devant des hommes
et des familles qui ont animé l'histoire de ce pays de 890 à 950.26 Le nom de Wigeric
annonce la floraison future des branches des comtes d'Ardenne. Celui de Régnier annonce
une autre grande lignée, celle des comtes du Hainaut. Tous ces grands pouvaient, avec leur
patrimoine, constituer un appui important au souverain de leur pays.
3) La cohérence humaine eut une autre face, celle de la chancellerie. Après Charlemagne et
avec Louis le Pieux la chapelle royale avait pris du poids. Chacun des royaumes issus de
Verdun organisa sa propre chancellerie. Deux historiens en ont dit tout ce qu'il faut en
22 Franz FELTEN, Äbte und Laienäbte in Frankreich. Studie zum Verhältnis von Staat und Kirche im
früheren Mittelalter, Stuttgart 1980.
23 Franz VOLLMER, Die Etichonen, dans Studien und Vorarbeiten zur Geschichte des grossfränkischen
und frühdeutschen Adels, hg. von Gerd Tellenbach, Fribourg/Br., 1947, p. 137-184.
24 Eduard F1LAWITSCHKA, Die Anfänge des FHauses FHabsburg-Lothringen, Sarrebruck 1969,
p. 154-171.
25 La dernière étude en date est celle de Constance Bouchard, The Bosonids or rising to power in the
late Carolingian Age, French historical studies, 15 (1988) , p. 407-431.
26 R. PAR I SOT, op. cit. (note 1), p. 418 . Ces hommes sont cités dans le capitulaire de Quierzy.
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