Dans les provinces orientales du Royaume où la densité de la population était fai¬
ble, elle se groupait surtout dans des rares agglomérations de type urbain, mais de
caractère en majorité agricole. Ces agglomérations grandirent à l’ombre des châteaux
de la noblesse polonaise, ou polonisé, qui y avait acquis des biens immenses. Ces
châteaux, puissament fortifiés quoique pas toujours de manière moderne, remplis¬
saient le rôle de citadelles et leur caractère, bien plus souvent que leur architecture, se
rapprochait du modèle de la Renaissance italienne du château du tyran. En effet, ils
servaient non seulement comme défense contre les envahisseurs, mais également en
tant qu’instrument du pouvoir sur la population pour une grande partie étrangère, de
foi et d’ethnie.
Certaines de ces villes restaient ouvertes, mais en général on tenait à les entourer ne
serait-ce que d’un talus de terre. Couramment c’était un talus peu élevé, de fonction
plus administrative que militaire, quoiqu’il pouvait servir le cas échéant de protection
sommaire contre les Tartares. Un tel talus, souvent renforcé d’un fossé et d’une palis¬
sade, était éxécuté par la population locale dans le cadre des corvées.
Seule la couche des magnats: les familles Zamoyski, Zôlkiewski, Koniecpolski,
Potocki, RadziwiH qui faisaient fortune depuis la fin du XVIe siècle sur ces territoires,
possédaient des moyens suffisants pour entourer leurs villes de fortifications modernes.
Mais même dans ces fortifications les constructions en maçonnerie étaient plus limi¬
tées que dans les autres pays. On peut admettre qu’au moins certaines de ces enceintes
de terre devaient dans l’avenir être recouvertes par le manteau d’un mur. Le fait que la
première étape de leur construction resta souvent la dernière reflète la situation
socio-économique spécifique. Les traveaux de maçonnerie étaient en effet très coûteux
en matériaux et main-d’œuvre, que les propriétaires des villes préféraient utiliser pour
la construction de leurs propres château, églises et cloîtres dont les fondations, en¬
treprises par la noblesse polonaise pour des raisons de piété aussi bien que de politi¬
que, se multiplièrent infiniment dans les années 1600—17603.
Seules quelques villes obtinrent de solides enceintes pouvant soutenir un siège même
prolongé par des armées régulières : c’étaient les capitales des grands latifundia des
magnats. Ces latifundia, dont la croissance prit de la vitesse sur les terres du Sud-Est à
partir de la fin du XVIe siècle, avaient de facto — mais pas de jure — le caractère de
principautés vassales. Leurs propriétaires disposaient d’armées privées et de leurs
propres forteresses. Ces nouvelles villes-forteresses par leur plan, leur construction,
leur structure sociale, leur richesse et importance commerciale, se rapprochaient du
modèle universal de ville européen. Mais les bourgeois n’y avaient pas l’indépendence
dont jouissaient ceux des villes libres royales. Entre autres, le maître de la ville exi¬
geait avec plus de rigueur la contribution à la construction des fortifications ainsi
qu’une participation personnelle.
Au XVIIe siècle, de nombreux propriétaires de latifundia avaient des fonds dispo¬
nibles pour la construction de fortifications plus importants que le roi même. En pra¬
tique, ils disposaient aussi d’un nombre illimité de main-d’œuvre non-qualifiée, prise
dans les faubourgs et les campagnes, travaillant aux fortifications bon gré mal gré.
3 B. Czolowski et J. Janusz, Przesztosc i zabytki wojewôdztwa tarnopolskiego. Tarnopol,
1926, p. 135—162; J. Kloczowski, Zakony mçskie w Polsce w XVI—XVIII wieku dans:
Kosciôl w Polsce, Vol. 2, Warszawa, 1970, p. 603.
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