de Vaudrevange, elle atteint vite une importance que celle-ci n’eut jamais sous les ducs
de Lorraine, par la cohabitation, selon les moments et des proportions variables, de
6 à 8 000 civils et militaires81. De proche en proche, la ville-place a organisé à son
profit un espace ingrat. Elle provoque aussitôt la relance des forges de Dilling (1681),
le déboisement des environs (1703—06), la constitution d’un ban sinon d’une ban¬
lieue que ta diplomatie européenne s’attache à limiter82. Elle fixe en partie les courants
migratoires qui sillonnent l’espace Moselle-Rhin moyen et impose peu à peu la créa¬
tion de routes, comme le fera plus tard et moindrement la restauration de Bitche. Elle
assure enfin la promotion de la Sarre en l’intégrant au réseau commercial de l’Europe
médiane83. Là où la ville précède la place, les effets de la sédentarisation des garnisons
sont nécessairement plus limités. Tout en privilégiant l’extension des espaces militari¬
sés, le remodelage de Metz augmente néanmoins de 10 % sa surface habitable que la
construction de la citadelle et du retranchement de Guise avait sévèrement amputée de
1552 à 156284. L’établissement des casernes verdunoises entraîne l’assainissement —
que les ingénieurs militaires s’efforcèrent de parfaire — et l’urbanisation de zones
inondables (île Saint-Nicolas ou faubourg du Pré) comme la résurrection ou l’essor
des faubourgs extra muros .85. Une exception toutefois : l’extension spectaculaire des
fortifications de Thionville n’y engendra aucune urbanisation, surtout sur la rive
droite de la Moselle86. Partout cependant, rectification et élargissement de la voirie,
construction de ponts de pierre, de quais, aménagement de places désencombrent les
villes de garnison. Conçus par des militaires à des fins militaires (amélioration de la
concentration et du transit des troupes et des convois), ces mille travaux firent de cel¬
les-ci des villes modernes dont les nouveaux équipements profitèrent à l’ensemble des
habitants.
Au sein des Evêchés mêmes, certaines d’entre elles disposent de privilèges impor¬
tants. Longwy, Phalsbourg, Sarrebourg, Sarrelouis et leur « banlieue » respective
possèdent, depuis 1721, celui de cultiver le tabac, d’en exporter et même d’en impor¬
ter, en franchise, de l’étranger. Sa confirmation en 1749 en étend les effets à l’en¬
semble du ressort judiciaire des quatre villes qui n’hésitent pas à se coaliser pour son
maintien, lorsque la Ferme Générale tente, en 1774, de le circonscrire aux banlieues
stricto sensu puis de le faire abolir en 178087. Relevant du jardinage, la culture du
81 Par comparaison, Vaudrevange comptait, en 1610, 203 hômmes de 18 à 50 ans aptes au ser¬
vice armé tandis que la milice bourgeoise de Sarrelouis regroupe, en 1717, 460 hommes.
Henri Hiegel, Le bailliage d’Allemagne de 1600 à 1632, Sarreguemines, 1961,1.1, p. 260 et
AM Saarlouis K 30 II 372—1, Mémoire de 1717.
82 AD Moselle 7 J 42, abornement définitif du ban, le 26 juin 1715 et C. R. Richter, Der Bann
und die Bannmeile von Saarlouis, dans Saarlouis 1680—1930 (hrsg. Dr. Latz), Saarlouis
1930, p. 14—58.
83 Eléments dans H. J. B rust, Die wirtschaftliche Entwicklung der Stadt Saarlouis, Diplom
Univers. Kôln., 1966, 144 p., dactylographié, p. 15—45 et Y. Le Moigne, Le commerce des
provinces étrangères dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle dans Aires et structures du
commerce français au XVIIIe siècle, Centre d’Hist. ec. et soc. Lyon, 1975, p. 173—200.
84 Ph. Tru ttmann, ouvr.cité, p. 68 (carte), 69 et 71.
85 AD Moselle C 4/12 (plan du faubourg du Pré), C 21/36 (projet d’assèchement de
1769—1770) et A. Blanchard, ouvr.cité, p. 458, n. 119.
86 Ph. Truttmann, ouvr.cité, p. 70(carte) —72.
87 AM Saarlouis K 30 II-3, délibération du Conseil de ville, 6 juin 1780. L’écho de cette „batail¬
le“ de mémoires persiste dans les cahiers de doléances, tel celui du Tiers-Etat des prévôtés de
Sarrebourg et Phalsbourg, demandes ... générales, art. 44, A.S.H.A.L., t. XLIV, 1935, p.
191.
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