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qui est hic et nunc, mais qu’on ne parvient pas à saisir.
Tout le monde est aujourd’hui altéré d'individualité ;
mais qu’est donc cet individu auquel il faut s’attacher
pour sortir de l’océan sans fond de la pensée et de ses sché¬
mas dépourvus de toute portée théorique ? Pour peu
qu'on y pense, on reconnaît aisément la question que se
posa Aristote insatisfait par l’idéalisme platonicien ; mais
il est tellement peu aisé d’y répondre que cela n’a pas
encore été fait.
17. La positivité de l’individu. — Pour répondre à cette
question il faut remonter à l'origine idéale de cette exigence
de l’individu. Il faut aussi tenir compte de la raison pour
laquelle, aussitôt après que la distinction entre la pensée
comme réalité, et le pur immédiat objet d’expérience, fut
reconnue par Socrate et Platon, on sentit la nécessité de l’élé¬
ment individuel, qui avait complètement échappé à la pen¬
sée telle que la spéculation platonique avait commencé à la
fixer en face de l'esprit. Que manquait-il alors à cette pen¬
sée ? Le défaut de la théorie des idées tout de suite signalé
et qui l’a été de nouveau chaque fois que depuis lors la pensée
s’est éloignée de la réalité empirique ressort clairement
de la critique qu’en fit d’Aristote et des efforts que
tenta Platon lui-même pour concevoir le rapport des
idées avec la nature. Les idées avaient déjà été
conçues comme idées de la réalité, mais non comme
la réalité elle-même : l’idée d’une maison que l’ar¬
chitecte doit construire n’est pas la maison. Mais dans ce
cas l’idée de l'architecte, tout en étant parfaitement
réelle en elle-même, pourra fort bien n'être jamais réalisée ;
et pour en comprendre l’être, il n’est pas nécessaire de la
voir construite, il suffit qu'en qualité d’idée elle surgisse
ou bien puisse surgir dans l’intelligence qui la conçoit.
Or ce n’est point du tout là le cas des idées et de la réalité,
car, en général, la réalité existe déjà, et ce n’est qu’en
partant d'elle qu’on pense aux idées. On y pense effecti¬
vement comme au principe ou à la cause de la réalité ;
et le concept des idées vient ainsi à être intégré dans celui
de la réalité. Celle-ci s’identifie avec les idées, lorsqu’elles