l'abstrait universel et le positif
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Il est évident en effet que ces schémas et ces symboles
sont créés arbitrairement pour diriger et ordonner la
masse des expériences particulières ; d’autre part il est
tout aussi clair qu’ils ne pourraient absolument pas rendre
ce service [s’ils ôtaient aux expériences particulières tout
caractère gnoséologique ; car chacune d’elles ne peut
être considérée comme utile qu'à partir de l’instant
où elle est complètement effectuée, à la condition absolue
d’être une véritable expérience et d’avoir en cette
qualité une valeur qui lui soit propre. De cette façon, tout
concept naturaliste est vraiment utile, car en imprégnant
de lui-même l’intuition du particulier, il lui permet d’être
véritablement et proprement un concept.
15. L’unité de l’universel et du -particulier. — L’erreur
surgit continuellement parce que continuellement l’on perd
de vue l’unité de l’universel et du particulier (l’individu
consiste précisément dans cette unité), et parce qu’on per¬
siste à croire que, devant la pensée, l’universel se détache
du particulier comme antécédent ou conséquent, et récipro¬
quement. En dernier ressort l’erreur dérive donc du fait que
l’on continue à considérer abstraitement les deux moments
abstraits que l’analyse distingue dans l’individu comme
des éléments de l’individualité pensée (inerte et inorga¬
nique prise en elle-même), au lieu d’y voir deux éléments
de l’individu qui pense.
16. L’individu. — Tout comme à l’époque d’Aristote, l’exi¬
gence de l’individualité comme forme concrète de la réa¬
lité se fait sentir dans le domaine des philosophies de l'ex¬
périence pure, de l’intuition et de l'esthétique, et tout
comme alors, on attaque de nos jours les abstractions de
la pensée qui universalise l’expérience en se renfermant en
elle-même. En vérité, la philosophie n’échappe pas à l’an¬
tique alternative du concept vide et de l'intuition aveugle.
D’un côté la lumière, la clarté de la pensée vis-à-vis d'elle-
même, l’élaboration subjective des données immédiates,
élaboration qui s’éloigne des données et en perd les traces.
De l’autre, la donnée, l’immédiat, le positif, le concret