LE PROBLÈME DE LA NATURE 5/
forme elle-même, dont la matière n'est que la possibilité
abstraite et morte.
3. Doctrine aristotélicienne de l’individu. — Le concept
d’individualité a une grande importance comme affirmation
de la nécessité de surpasser la position abstraite de l’idée,
qui n’est autre que la pensée, le résultat du penser. Plus
qu'un concept c’est un besoin, une aspiration de toute la
pensée aristotélicienne qui tend au concept immanent de
l'universel, sans toutefois parvenir à sa conception. Il était
impossible en effet de concevoir l'universel tant que la philo¬
sophie cherchait la réalité, et la réalité de l'individu, dans la
pensée résultat du penser, au lieu de la chercher dans le
penser même. Notons qu’on tend à distinguer l’individu
de l'idée comme processus de réalisation de la réalité que
serait l'idée. Mais ce processus n'est concevable au point
de vue aristotélicien qui coïncide avec celui de Platon en
présupposant la pensée au penser, qu'autant qu'il est
encore à commencer (puissance, matière), ou déjà épuisé
(acte, forme). De sorte qu’en analysant l’individu, on se
trouvera inévitablement devant les deux éléments qui le
constituent, sans pouvoir en saisir le rapport qui est
précisément le processus actuation de l’individu, c'est-à-
dire précisément la nature qu’on veut opposer à la réalité
transcendante des idées de Platon.
4. Recherche scolastique du «principium individuationis)>.—
L’histoire millénaire du problème du principium indivi-
duationis démontre pleinement l'insurmontabilité des
difficultés que l’aristotélisme voyait se dresser devant lui.
Cette doctrine ne voulait pas s’arrêter à l'universelle
abstraction du platonisme et ne pouvait pas chercher
l'immanence de l’universel, c'est-à-dire en chercher
l’individualité, là où il était possible de la trouver : dans
la réalité qui n’est pas l’antécédent de la pensée mais
bien le penser lui-même. Aussi le problème restait-il sans
solution.
Pour les interprètes d'Aristote surgit une autre ques¬
tion : entre les deux éléments qui constituent l’individu,