SUBJECTIVITÉ DU RÉEL
7
consentement ou notre dissentiment. Les deux attitudes de
consentement et de dissentiment ne sont pas en effet deux
possibilités parallèles, dont l’une ou l’autre peut se
réaliser indifféremment. Elles sont plutôt deux possibi¬
lités coordonnées et successives, l’une desquelles est un
prélude indispensable à l’autre. La première phase est
évidemment d’assentiment, d’approbation dans la con¬
naissance et l’on dit justement qu’avant de juger il faut
comprendre : mais comprendre c’est déjà juger. La condi¬
tion fondamentale pour comprendre autrui est donc
d’en pénétrer la réalité spirituelle, et la première adhésion
spirituelle est la confiance indispensable à toute péné¬
tration, à toute compréhension de réalité morale et
mentale.
Il nous est impossible d’entrer en rapport avec une autre
âme, d’en avoir la moindre intelligence ou même de rien
percevoir de ce qui s'y accomplit, sans un assentiment
préalable, sans l’union intime de notre activité pensante
avec cette âme. Car tout rapport spirituel, toute commu¬
nication entre les réalités intérieures de deux hommes est
essentiellement Unité. Et nous sentons cette unité profonde
chaque fois que nous pouvons dire que nous comprenons
notre prochain, c'est-à-dire chaque fois que, cessant d’être
une simple intelligence, nous aimons.
C’est qu’alors nous mettons en jeu non seulement l’ac¬
tivité abstraite, dite mentale, mais encore la bonne dis¬
position spirituelle, de ce que l’on a coutume d’appeler
selon les circonstances : cœur, bonne volonté, charité,
sympathie, chaleur de sentiments.
Or, que signifie cette unité, cet assentiment, condition
essentielle de tout rapport spirituel, de toute connais¬
sance de l’esprit, assentiment qui n’entre en aucune façon
dans notre perception d’une pierre, par exemple, et qui
diffère si complètement de la connaissance de la simple
nature, qu’on désigne généralement sous le nom de nature
matérielle ? Nous devons nous unir ainsi à l’âme que
nous voulons connaître parce que sa réalité doit abso¬
lument coïncider avec celle de la nôtre, et nous ne pouvons
la trouver en nous-même que comme notre propre subjec-