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l’esprit, acte pur
4. Objectivisme de la 'pensée mystique. — La réalité absolue
du mystique n’est pas sujet, mais objet. Objet, bien entendu,
au point de vue de l’idéalisme actuel, pour qui le sujet
coïncide avec le Moi qui l’affirme. Car le mystique parle
lui aussi d’une personnalité différant toto caelo de la sienne
et avec laquelle la sienne entre en rapport ou aspire à y
entrer. De sorte qu’il parvient à concevoir une personnalité
qui est pour lui objet de son esprit — c’est-à-dire du seul
esprit qui soit effectivement esprit — et n’est par consé¬
quent pas esprit.
Il n’y a donc rien d’étonnant si, dans cette réalité essen¬
tiellement objective et antispirituelle, il ne reste point
de place pour le sujet, c’est-à-dire pour la personnalité
individuelle, pour l’homme tourmenté par le désir de Dieu
qui est tout, et par le sentiment infini de sa propre nullité.
Rien d’étonnant non plus à ce que toutes les choses parti¬
culières s'y dissipent comme des ombres vaines, puisqu’on
ne les distingue dans le sein de la réalité que par l’activité
déterminante de la puissance finie, et nulle par elle-même
qu’est l’intelligence, c’est-à-dire la personnalité comme acti¬
vité cognitive.
5. Antiintellectualisme de l’idéalisme. — L’idéalisme-
moderne suit au contraire une direction absolument oppo¬
sée à celle du mysticisme. Il est, nous l'avons dit, com¬
plètement antiintellectualiste, et en ce sens profondément
chrétien, si l’on entend par Christianisme la conception
intrinsèquement morale du monde. Conception à laquelle
l’Inde et la Grèce restèrent complètement étrangères même
dans les plus audacieuses envolées de leur spéculation.
L’Inde aboutit en effet à l’ascétisme, à la suppression des
passions, à l’extirpation des désirs et de tout moteur d’ac¬
tivité humaine, au nirvana ; aussi son idéal est-il la négation
même de la réalité au sein de laquelle la moralité se réalise,
nous voulons dire de la personnalité humaine. Quant à la
pensée grecque, son concept moral le plus élevé est celui de
la justice qui donne à chacun ce qui lui est dû, conserve
ainsi l’ordre naturel (ou présupposé tel) mais n’établit et
ne crée pas un monde nouveau et n'exprime nullement