ÉPILOGUE ET COROLLAIRES
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elle partait de l'abstrait pour aller au concret, alors qu’il
n’y a pas de passage de l’abstrait au concret. Le concret
est pour le philosophe sa propre philosophie, son penser
dans l’acte de sa réalisation, par rapport auquel la logique
de la réalité qui gouverne le penser est certainement une
abstraction, de même que la nature où la logique doit ser¬
vir de base à l’histoire de la pensée. Au contraire, il y a
un passage du concret à l’abstrait, qui n’est autre chose que
le processus éternel d’idéalisation de soi. Qu’est-ce en effet
que l’acte du penser, le Moi, sinon la conscience de soi, réa¬
lité qui se réalise en s’idéalisant ? Et qu’est cette idéalisa¬
tion du réel, qui précisément se réalise quand il s’idéalise,
sinon la dualisation par laquelle l’acte du penser se balance
entre deux Soi, le premier desquels est sujet, et l’autre
objet, uniquement grâce au ré fléchissement de l’un dans
l'autre au moyen de l’acte concret et absolu du penser ?
Cette dualisation implique d’ailleurs une différenciation
intime du réel qui, en s’idéalisant, se distingue de soi-
même (car il distingue le soi-sujet du soi-objet) et se con¬
naît du fait même qu’il se retrouve en face d’un soi diffé¬
rent dans son idéalité. Et la différence est en effet radicale :
elle est la négation de la réalité qui s’idéalise. Car le soi-
sujet est le penser, tandis que le soi-objet est la pensée,
l'opposé du penser.
Le penser est activité, et la pensée est le produit de cette
activité ; l’activité est, comme telle, causa sui, et par con¬
séquent liberté : la pensée est un simple effet qui a hors
de soi le principe de son être, et est donc mécanisme. L’acti¬
vité devient, l’effet est. L’effet est comme non-soi, terme
d’un rapport entre le soi et le non-soi, et c’est là que
gît sa mécanicité. Il est donc une unité dans une pluralité,
et son concept implique déjà la multiplicité, le nombre.
Par contre, l’activité se réalise dans le non-soi, ou plutôt
se réalise en soi comme non-soi ; elle n’est donc un rapport
qu’avec soi-même : unité absolue, infinie, sans multiplicité.
La multiplicité de la pensée implique l’exclusion réci¬
proque des éléments de la multiplicité, et, par conséquent,
l’espace. La pensée est en somme la nature. Elle est la
nature, parce qu’elle est l’idée dans laquelle la réalité s’est