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l’esprit, acte pur
modestie, qu’on lui permette d’affirmer que la pensée est
quelque chose. Il est vrai qu’en approfondissant le concept
qui a généré cette exigence, la philosophie moderne éprouve
la nécessité d’affirmer la pensée non seulement comme une
sorte d’appendice de la réalité, mais bien plutôt comme le
total, ou Réalité absolue.
Dans la position prise par Berkeley, la pensée
n’est rien non plus, rigoureusement parlant on ne pense
qu’autant que l’objet de l’acte par lequel on pense
a déjà été pensé ; qu’autant que la pensée humaine
est un rayon de la Pensée divine, ne pouvant par suite
être rien de nouveau, rien de plus que la Pensée divine elle-
même. Une difficulté surgit à propos de l’erreur, qui est
humaine et non divine ; mais il faut remarquer que la
pensée humaine étant nulle, l’erreur ne saurait avoir
plus de réalité objective que de réalité subjective. Notre
pensée ne peut rien être puisque, si elle était quelque
chose en soi, la Pensée divine ne serait pas toute la pensée.
5. Le moi transcendantal et le moi empirique. — La philo¬
sophie kantienne prend une autre position, dont Kant
non plus n’a pas d’ailleurs parfaitement conscience. Son
concept du moi transcendantal rend en effet impossible la
question de Berkeley : comment pourrait-on concevoir notre
pensée finie ? Si nous pensons, et faisons de notre pensée
ainsi déterminée l’objet de notre réflexion, ce que nous pen¬
sons, c'est-à-dire notre pensée elle-même, n'est autre chose
qu'une représentation : terme corrélatif de notre penser
auquel elle se représente. Or cette pensée, est finie et comment
est-il possible que cette pensée finie ait surgi ? Cette pen¬
sée est actuelle, elle est l’actuation d’une possibilité :
puisqu’elle est, dis-je, elle était possible. Avant d’exister
actuellement il faut qu’elle ait existé potentiellement.
Comment l’expliquer? Pour le faire, Berkeley cherchait une
explication transcendante par rapport à la pensée dont il
voulait rendre raison.
Mais cette question, qui se posait au sein même du
kantisme et fit naître le concept du noumène, n’eut plus
de raison d'être dès que le grand philosophe eut formulé