Full text: L' esprit, acte pur

SUBJECTIVITÉ DU RÉEL 
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instant tout ce qui peut être pensé, une Pensée transcendante 
qui surpasse la pensée humaine en débordant toutes les 
limites dans lesquelles celle-ci est ou pourrait être circons¬ 
crite. Cette Pensée éternelle, cette Pensée infinie, n’est pas 
notre pensée, qui a en tout moment le sentiment de ses 
bornes : cette Pensée est Dieu. Ainsi Dieu est la condition 
qui permet de concevoir la pensée de l’homme comme étant 
elle-même la réalité, et la réalité comme étant la pensée. 
3. Le naturalisme de Berkeley. — Or il est évident que 
si nous admettons que la pensée humaine est condition¬ 
née par la Pensée divine — bien que celle-ci ne se présente 
pas à nous sous l’aspect d’une réalité immédiate — nous 
revenons aux errements de la philosophie antique en si¬ 
tuant la pensée humaine vis-à-vis de la Pensée absolue 
comme elle la situait vis-à-vis de la nature matérielle, c’est- 
à-dire en présupposant une réalité qui ne dépendrait pas 
du développement de notre pensée. Cette réalité une fois 
conçue, il ne serait plus possible de concevoir la pensée hu¬ 
maine, puisque la conception d'une telle réalité immuable 
serait inconciliable avec la conception d’une nouvelle 
réalité, apparente ou présumée, qui serait la pensée. 
4. Annulation de la pensée. — Berkeley nous ramène ainsi 
aux conclusions de la philosophie antique. Il n'arrive pas 
en effet à concevoir une pensée qui soit vraiment créatrice 
de réalité, qui soit elle-même la réalité. Il avait pourtant 
énoncé une proposition aussi suggestive que belle, et dé¬ 
bordante de vérité ! Une proposition qui a une telle ana¬ 
logie avec la doctrine moderne de l’idéalisme que nous 
sommes surpris de la voir formulée dès cette époque. 
Suivant Berkeley, lorsque l'homme croit concevoir une 
réalité non mentale il s’oublie tout simplement lui-même, 
et oublie la part qu’il a dans cette conception : niant 
par son acte l’affirmation qu’il veut faire en intervenant, 
et ne pouvant se dispenser d’intervenir dans un acte du¬ 
quel il se dit absent. La pensée antique avait précisément 
le défaut de n'être rien, rigoureusement parlant ; tandis 
que la philosophie moderne demande, avec discrétion et
	        
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