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l’esprit, acte pur
caractère du Moi empirique, du Soi qui se soustrait à la
lumière parfaite de l’autoconscience. Or c’est cette dernière
qui dans l’art doit prévaloir de toute son éblouissante
vigueur.
5. Vindividualité de l’œuvre artistique. — L’autocons¬
cience est la conscience de soi ; mais la conscience de soi
est seulement un côté de la dialectique spirituelle qui s'effec¬
tue dans la synthèse de la conscience de soi (thèse) et de la
conscience de l’objet comme non-soi (antithèse). L’art
est conscience de soi : pure, abstraite autoconscience qui se
dialectise — puisque autrement elle ne pourrait se réaliser —
mais en elle-même et en dehors de l'antithèse dans laquelle
elle s’est réalisée, et se renferme par conséquent dans un
idéal, qui est un songe, mais dans lequel elle vit en se nour¬
rissant d’elle-même, ou plutôt en se créant un monde à
elle : et cette création subjective est visible à la pensée com¬
mune, qui ne considère pas le monde réel comme étant créé
par l’esprit. C’est en effet une création secondaire et inter¬
mittente, rendue possible par celle qui est immédiate
et constante et par laquelle l’esprit se pose en se spatia¬
lisant, dans le sens abolu du terme.
6. Histoire de Vart comme histoire de la philosophie. —
Si donc l’art a pour note caractéristique une potentiali¬
sation de l’autoconscience dans son immédiateté abstraite,
par où il se détache de la conscience pour se retirer dans
le rêve de l’imagination, il est évident qu’une histoire
de l’art en tant qu’art est inconcevable. Toute oeuvre
d’art est une individualité fermée en soi, une subjectivité
abstraite qui se pose empiriquement à côté de toutes les
autres, à la façon des atomes. Chaque poète a son propre
problème esthétique, qu’il résout pour son propre compte
de façon à éviter tout rapport intrinsèque avec ses succes¬
seurs et ses contemporains. De plus, tout poète choisit
et résout dans chacune de ses œuvres un problème esthé¬
tique particulier, et se pose ainsi à travers ses œuvres,
comme une réalité spirituelle fragmentaire (pourvu que
l’on considère l’art en tant que tel), nouvelle à chaque