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l’esprit, acte pur
absent. En somme, l’objet de la connaissance est toujours
mental, alors même qu’il semble conçu à l’écart de tout
esprit. Ce point mérite d’être étudié avec la plus grande
attention, car ce principe de l’idéalité du réel que nous
venons d’exposer est si difficile à préciser avec exactitude
qu’il n’a pas empêché Berkeley lui-même, qui avait été le pre¬
mier à le proclamer, de concevoir une réalité effectivement
indépendante de l’esprit.
2. Contradiction dans laquelle est tombé Berkeley. —
Berkeley est en effet arrivé à nier l'idéalité du réel, se met¬
tant ainsi en contradiction avec le principe fondamental qui
était la base de tout son raisonnement, quand il a affirmé
que la réalité n’est pas proprement l'objet et le contenu
de l’esprit humain ni par conséquent, à vrai dire, la pensée
de cet esprit, mais bien l’ensemble des représentations en
lui d’un Esprit suprême, objectif, absolu, qui est le présup¬
posé de l’esprit humain lui-même. Bref, tout en déclarant
qu'exister c’est être perçu (esse est percipi), et tout en faisant
ainsi coïncider la réalité avec la perception, Berkeley établit
une distinction entre la pensée qui conçoit actuellement le
monde et la Pensée absolue, éternelle, transcendante pour
les esprits individuels dont elle rend possible le dévelop¬
pement. Il tombe sous le sens et il semble incontestable —
au point de vue empirique qui est celui où s’est arrêté ce
précurseur de l’idéalisme kantien — que notre esprit ne
pense pas tout ce qui peut être pensé, car notre esprit
(l'esprit de l’homme, que nous considérons comme un être
fini, n’existant que dans certaines limites de temps, d’es¬
pace, etc.), est fini lui aussi, et il est permis de penser qu'il
existe quelque chose à laquelle l’on n’ait jamais encore
pensé. L'on ne saurait donc raisonnablement contester que
notre esprit n’a pas actuellement comme objet de sa pensée
tout ce qui pourrait en être effectivement l'objet ; et s’il
paraît que tout ce qui n’est pas encore l’objet de la pensée
humaine — pensée qui est déterminée, historique, empi¬
rique, qui est la pensée d’un moment donné — puisse l’être
dans un'autre moment, il est aisé d’imaginer, au delà de
la pensée humaine, une autre pensée qui conçoive à tout