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l’esprit, acte pur
connaissance de la vérité : d’une vérité qui n’est pas
toute réalisée à la fois (ce qui ne serait pas se réaliser
mais être déjà réalisée, en un mot être), mais en train de
se réaliser. Voilà ce qu’est l’homme avec qui nous entrons
en rapport et qui est notre prochain dans l’histoire. Car
notre société ne se limite pas aux hommes relativement
peu nombreux, qui étant nos contemporains entrent dans
la sphère de nos relations directes et personnelles.
2. Éclaircissements. —Tout d’abord, la langue que nous
parlons, les institutions qui régissent notre vie civile,
les villes que nous habitons, les monuments d'art que
nous admirons, les livres enfin, et tout ce qui nous par¬
vient des civilisations passées avec les traditions reli¬
gieuses et morales qui animent notre culture, alors même
que nous sommes incapables de tout intérêt historique,
sont des liens qui nous rattachent à des esprits n’appar¬
tenant pas à notre époque mais dont la réalité nous est
présente et intelligible exclusivement comme réalité
spirituelle et libre. Notre conscience historique se peuple
de noms de nations et d’hommes, acteurs de cette réalité
de la culture, prophètes, artistes, savants, capitaines, et
hommes d’état. L’énergie de leur esprit a créé ce monde
spirituel qui entoure notre âme de son atmossphère.
Pour arrêter l’attention sur un point, choisissons un
exemple, prenons le Roland Furieux, que nous lisons, que
nous goûtons en en faisant un aliment pour notre imagina¬
tion, dont nous vivons en somme. L’histoire nous apprend
l’origine du poème : elle nous montre un homme, l’Arioste,
qui en fut l’auteur et dont l'esprit, en tant que créateur
de cette œuvre d’art, s’offre à notre connaissance dans le
poème. Eh bien, l’Arioste est un homme pour lequel nous
ne trouverons pas de place dans le monde, si nous ne
concevons ce monde dans la forme du temps, et dans la
série des années où il vécut (toutes les années comprises
entre 1474 et 1533 de notre ère) ; et dans la forme de l’es¬
pace, sur la terre et précisément en Europe, plus préci¬
sément encore en Italie et en certains lieux déterminés
de la péninsule dans lesquels sa vie s’écoula. Il y a plus :