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l’esprit, acte pur
condition et conditionné, car il n’est pas de métaphysique
ou d’empirisme qui puisse nous représenter la condition
dans son rapport immanent avec le conditionné, ni celui-
ci dans son rapport immanent avec celle-là, si ce n’est
en tant qu'unité des deux termes. La métaphysique, avec
sa causalité efficiente, tend en effet, ainsi que l’empirisme
avec sa causalité empirique, plutôt à l’identification qu'à
la distinction qui est essentielle au concept de la condition¬
nalité. De sorte que, rigoureusement parlant, le concept
métaphysique de causalité tend à ne considérer réelle,
d’une réalité absolue, que la cause dont l’effet ne se dis¬
tingue pas positivement ; et l’empirisme se représente
l’absolu comme un simple effet (un fait) dans lequel la
cause elle-même se résout. Quant au contingentisme, ce
n’est qu’une manifestation d’une tendance empirique qui
porte à libérer l’effet de son rapport avec la cause sans lui
attribuer du reste aucun droit à la liberté. Or la méta¬
physique ne peut s'arrêter à la cause sans effet, ni l’empi¬
risme à l’effet sans cause. Et cela non seulement parce
que la cause n'est une cause que si elle a un effet, et l’effet
sans cause est un mystère que l'esprit ne peut admettre, mais
pour une raison bien plus profonde, à laquelle nous avons
déjà fait allusion plusieurs fois : c'est-à-dire que la réalité
non différenciée est inconcevable, fût-ce comme identique,
l’identité implique par un rapport du sujet avec lui-même
et, par conséquent, un moment d'opposition et de dualité
qui est exclu par la non-différenciation absolue.
15. L’abstrait inconditionné. — En réalité l’unité abs
traite à quoi aboutissent également la métaphysique et
l’empirisme, en absorbant la réalité conditionnée dans la
condition, ou celle-ci dans celle-là, est ce qu'on appelle
Y inconditionné, non dans le sens de libre, mais dans celui
de nécessaire et précisément de ce nécessaire que craint
le contingentisme tout en s’y précipitant. Or cet incondi¬
tionné ne peut être affirmé sans être nié, lorsqu'on rapporte
selon notre habitude la pensée abstraite au penser concret.
Car puisqu'on pense, l’inconditionné doit être pensé non
comme simplement pensable, mais justement comme pensé,