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l’esprit, acte pur
18. Antithèse entre contingence et liberté. — L’être, par
exemple, ne peut pas dériver du possible. Fort bien :
mais pourquoi ? Parce que l’être est l'être, et le possible
est simplement possible, dépourvu de la réalisation de soi
qui entraîne l'exclusion de son contraire. Mais si derrière
l’être réalisé, qui n’est pas le possible, nous ne savons pen¬
ser que ce possible, toto caelo différent, il est clair que l’être
n’est concevable qu’autant qu’on le conçoit immédiat ;
non pas en train de se réaliser, mais réalité déjà posée. Or
cette dernière est si complètement identique à elle-même,
si immuable, qu’on ne pourrait même pas la dire iden¬
tique à elle-même : car l’identité même est une relation
(de soi avec soi-même, en ce cas) et aucune possibilité de
relation n’existe avec un terme qui n’en ait pas un
autre en face de lui, fût-ce lui-même qui en se dédoublant
peut s’opposer à soi-même (ce qui constitue précisément
la relation spirituelle, base de toute autre relation) (i).
Arrivons même jusqu’à l’homme et à l’esprit, et admettons
pour un instant que « la personne humaine a une exis¬
tence propre, est à elle-même son monde. Plus que les
autres êtres, elle peut agir, sans être forcée de faire
entrer ses actes dans un système qui la dépasse. La loi
générale de la conservation de l’énergie psychique se
morcelle en quelque sorte en une multitude de lois dis¬
tinctes, dont chacune est propre à chaque individu » ;
allons plus loin encore et reconnaissons que « pour un
même individu la loi se subdivise encore et se résout en
lois de détail propres à chaque phase de la vie psycho¬
logique. La loi tend à se rapprocher du fait. L’individu,
devenu, à lui seul, tout le genre auquel s'applique la loi,
en est maître » ; il n’en sera pas moins vrai que l’individu
dans son individualité concrète est ce qu’il est, comme
l’être l’est par rapport au possible, comme la vie par rap¬
port aux forces physiques et chimiques, comme le fait
psychologique par rapport au fait physiologique ; en
somme, comme toute réalité l’est par rapport à celle à
laquelle l'expérience la compare ; c’est-à-dire qu'elle n’est
(1) Voir Gentile, Système de logique, p. 152-155, 175 et suivantes.
(2) Boutroux, Op. cit., p. 130.