CAUSALITÉ, MÉCANISME ET CONTINGENCE 155
parce qu'elle y est contenue, et était ainsi implicite¬
ment affirmée au moment où l’on affirmait la proposi¬
tion générale elle-même. Le syllogisme n’est, en somme,
que la démonstration d’un rapport analytique existant
entre le genre et l’espèce, le tout et la partie. Ainsi là où
il y a rapport analytique, il y a enchaînement nécessaire.
Mais cet enchaînement, en soi, est purement formel.
Si la proposition générale est contingente, la proposition
particulière qui s’en déduit est, comme telle du moins, éga¬
lement et nécessairement contingente. On ne peut parve¬
nir par le syllogisme à la démonstration d’une nécessité
réelle que si l’on rattache toutes les conclusions à une
majeure nécessaire en soi. Cette opération est-elle compa¬
tible avec les conditions de l’analyse ?
Au point de vue analytique, la seule proposition entiè¬
rement nécessaire en soi est celle qui a pour formule A=A.
Toute proposition dans laquelle l’attribut diffère du sujet
comme il arrive alors même que l’un des deux termes
résulte de la décomposition de l’autre, laisse subsister un
rapport synthétique comme contre-partie du rapport
analytique. Le syllogisme peut-il ramener les propositions
synthétiquement analytiques à des propositions purement
analytiques (i) ? »
16. Contingence ou nécessité. — En partant de ce prin¬
cipe, on arrive aisément à la conclusion qu’une telle néces¬
sité, surgissant de l’identité absolue, ne se vérifie dans au¬
cune proposition, ni par conséquent dans le syllogisme.
De sorte que, si la mécanique est concevable mathéma¬
tiquement, la physique n’est plus une simple mécanique,
et la biologie n’est pas la physique, ni la psychologie la
biologie, ni la sociologie la psychologie : en somme toutes
les fois que la science s’efforce par des interprétations
mécaniques d’identifier un nouvel ordre de phénomènes
à un autre, elle cesse de discerner les différences exis¬
tantes entre les deux ordres. Aussi le monde ne peut-il
nous apparaître, tant que nous restons dans les limites de
l’expérience simple, que comme une hiérarchie de mondes
(1) Op. cit, p. 7, 8.