l’immortalité
129
qualité d’élément de la multiplicité, peut et doit se concevoir
comme naissant et mourant, puisqu’elle partage le sort
de toutes les choses transitoires au milieu desquelles
elle est.
Mais le Moi n’est pas seulement la position de l’altérité,
c’est-à-dire l’opposition de soi à ce qui n’est pas soi, ce qui
voudrait dire multiplication ; le Moi est aussi et avant
tout unité, unité grâce à laquelle tous les éléments coexis¬
tants de l’espace sont compris par un seul regard du sujet,
et tous les moments successifs du temps sont com-
présents dans un présent qui nie le temps. Le Moi
domine le temps et l’espace ; il s’oppose à la nature,
l’unifie en soi et la parcourt d’une extrémité à l’autre
dans l'espace et dans le temps, dépassant même les
plus extrêmes limites. L’esprit ne peut donc pas entrer
dans les rangs des choses multiples sans s’apercevoir qu’il
domine la multiplicité et en triomphe, puisqu’il échappe
à ses lois. Il s’en aperçoit dès qu’il discerne (et ce discer¬
nement lui est essentiel et originel) la valeur de l’acte
par lequel il pose l’objet et s’y oppose, c’est-à-dire la valeur
de chacune de ses affirmations, qui serait en tant que telle
inintelligible sans le discernement du vrai et du faux.
Car on ne pense rien, sans penser que c’est ainsi et pas au¬
trement qu’il faut penser: rien n’étant pensé sinon comme
vérité distincte de son contraire. Et la vérité n’est pas rela¬
tive comme l’est tout élément de la multiplicité, qui en
comprend un si grand nombre : la vérité est une et abso¬
lue, et dans sa relativité même elle ne peut être que
ce qu’elle est. Tout élément de la multiplicité a une
quantité immense d’éléments analogues autour de
lui, tandis que la vérité comme telle ne peut qu'être
unique. Il est donc évident que cette vérité ne saurait
être assujettie à la spatialité et à la temporalité comme
le sont forcément les choses naturelles ; il est également
évident qu’elle est transcendante par rapport à elles tout
en étant ce qu’on doit penser d’elles, et qu’elle se pose comme
éternelle.
L’éternité de la vérité implique l’éternité de la pensée
dans laquelle se manifeste la vérité et d’où la spéculation
GENTILE
9