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l’esprit, acte pur
lant entre deux extrêmes également absurdes, sans pouvoir
s’arrêter à un point intermédiaire. Nous le savons déjà :
ou bien la multiplicité se conçoit comme un tout, et
alors l’unité du tout contredit la multiplicité, ou bien en
dehors du tout, dans chacune de ses parties, et alors la partie
devient unité, ce qui contredit également la multiplicité.
Il est donc juste de dire que si, en concevant le monde de
l’espace et du temps, on pensait réellement un monde en
soi (la prétendue nature existant en face mais en dehors
de l’esprit) on ne penserait rien du tout. La spatialité
et la temporalité véritables doivent signifier bien autre
chose, et il faut chercher ce qu’elles signifient, tout en
maintenant leur positivité et en détruisant la transcen¬
dance illusoire de leur multiplicité.
Tout ce qui a été dit jusqu’à présent pour élucider la re¬
présentation ordinaire de l’espace et du temps, comme sys¬
tèmes de la multiplicité absolue de la réalité positive, est
complètement vrai sans être cependant toute la vérité.
Car l’absurdité de cette représentation naît de l’abstrac¬
tion dans laquelle la spéculation philosophique a fixé
cette représentation, immanente à la conscience où elle
est intégrée par la condition qui lui est indispensable
pour être concrète.
7. Naïveté du concept d’un monde extrasubjectif comme
multiplicité pure. — L’inconcevabilité de la multiplicité
pure, représentée par la spatialité absolue, qui est à la
fois, comme nous l’avons vu, espace et temps, est due à la
prétention d’exclure de cette multiplicité l’unité, unité
qui accuserait aussitôt la présence de l’esprit, et qui
pourrait être confondue avec l’idéalité, dépourvue d'élé¬
ments positifs, qui absorbe dans la pensée la réalité exis¬
tante et la transporte, en l’idéalisant, du monde des choses
dans celui de la pensée). Cette prétention dérive de l’ancienne
illusion de pouvoir poser devant la pensée sa propre réalité,
pure de toute action subjective, au moins comme postulat
de la connaissance, à travers laquelle la réalité elle-même se
présenterait ensuite à nous plus ou moins adaptée aux
principes de la logique et aux formes cognitives du sujet.