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l’esprit, acte pur
aussi un terme de la pensée qu'on cherche à sentir, à saisir
tout d’un coup et par surprise, il est le but de l'intuition ;
mais fil n’est pas non plus, le penser. Aussi est-il naturel
que l’universel ne s’individualise pas comme il devrait le
faire pour être réel, et que l’individu ne s’universalise
pas comme il le devrait à son tour pour devenir idéal,
c'est-à-dire vraiment réel (de la réalité du penser). Mais
lorsque Descartes voulut être certain de la vérité du savoir,
il dit : cogito, ergo sum ; ne considérant plus le cogitatum , qui
est la pensée abstraite mais plutôt le cogitare, l’acte du Moi,
centre d’où tous les rayons de notre monde émanent et
vers lequel ils se réfléchissent également tous. Dès lors il
ne trouva plus dans le penser l’être qui est une simple idée,
un universel à réaliser, comme l’être de Dieu dans l’argu¬
ment ontologique, selon la critique de tous ses adversaires,
depuis le moine Gaunilon (xie siècle) jusqu'à Kant. Il
y trouva au contraire l’être positif de l’individu : positif de
l'individualité, qui, selon Kant et tous les nominalistes
antiques et modernes, y compris les plus récents, ne saurait
être garantie que par l'intuition. Il est vrai que c’est par
une intuition que Descartes voit qu’il est : seulement cette
intuition n’est pas immédiate comme celle dont parlent
les nominalistes et Kant lui-même avec sa théorie de la
donnée, terme ou matière de l’intuition empirique : elle
est au contraire le résultat d’un processus. Cogito, car si
je ne pense pas, je ne suis pas, et je ne suis qu’en tant que
sujet du verbe penser ; par conséquent, je ne suis qu’au¬
tant que je pense.
6. La véritable positivité. — Nous touchons ici à la positivi¬
té véritable que Platon cherchait, et sans laquelle il sem¬
blait justement à Aristote qu’on ne pouvait pas croire
aux idées. Il s’agit de la positivité qui est la réalisation de
la réalité dont l’idée est le principe, et qui partant intègre
intrinsèquement l’idée elle-même. Car si l’idée est l’idée
ou la raison de la chose, la chose doit être produite par
l’idée : la pensée qui est véritablement pensée doit géné¬
rer l’être duquel elle sera la pensée. Mais cette réalité que je
suis (la plus certaine que je puisse avoir, et que je ne saurais