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l’esprit, acte pur
détachable, qui peut être communiqué aux autres en tant
que pensable en soi-même. Mais pour considérer ainsi les
jugements et les trouver si différents, il faut oublier ce que
Kant lui-même a démontré être le vrai jugement, celui
duquel tous les autres dépendent sans pouvoir en être sépa¬
rés : « Je pense que... ». Car le véritable jugement, le seul qui
soit concret, n’est pas «César soumit la Gaule», mais bien
« je pense que César soumit la Gaule ». C’est uniquement
dans ce deuxième jugement, le seul exprimable, qu’on
peut distinguer la modalité de la fonction judicative et
le véritable rapport qui passe entre les termes que cette
fonction synthétise a priori, même si la proposition prin¬
cipale reste en apparence sous-entendue ou inexprimée. Le
premier de ces deux jugements, simple objet du penser,
rendu évidemment abstrait par l’acte du sujet qui l’intro¬
duit dans sa synthèse, n’a en soi aucune modalité puis¬
qu’il n’est pas concevable en soi. Et en effet présupposé
seul, comme s’il était concevable en soi, il est rangé
avec d'autres jugements, lesquels différeront de lui qui est
assertoire, puisqu’ils pourront être problématiques ou
apodictiques. Tandis que si, au lieu d’être présupposé,
il est « actué », pensé effectivement, comme seul peut l’être
le contenu du «Je pense », la différence entre lui et les autres
jugements (en tant que jugements) disparaîtra aussitôt,
tous les jugements étant tels en qualité d'actes du
sujet moi pensant. Car ces actes ont une forme constante,
le « Je pense », qui n’est pas assertoire, n’étant pas apo-
dictique et pouvant tout aussi bien être problématique ;
c’est-à-dire qu'il est assertoire mais que son affirmation
est nécessairement apodictique. Il est impossible en effet
qu’on pense en pensant qu’on pourrait ne pas penser ce
qu’on pense, mais il est fort possible qu’on pense que César
aurait pu ne pas soumettre la Gaule (i).
3. Caractère empirique de cette classification. — Il ne
s'agit pas ici d’un simple jeu de mots. Kant dut cer¬
tainement s’apercevoir que dans les douze classes de juge-
(1) L’auteur a traité amplement la question de la classification des jugements
dans un livre intitulé Système de logique.