Le premier travail des architectes français est donc de reprendre les inventaires des
édifices publics, monuments historiques et édifices culturels de la zone établis par les
services allemands et distinguant non seulement les monuments construits par des
architectes français mais aussi "les édifices ou oeuvres d’inspiration française depuis
le haut moyen-âge"5 et en précisant l’état de conservation. Les listes ainsi révisées
permettront "d’activer la mise hors d’eau provisoire, déblaiement et consolidation des
monuments historiques et édifices de grand intérêt, l’ordre d’urgence étant dicté par
l’importance architecturale ou historique des monuments. Les monuments de con¬
struction, d’inspiration ou d’influence française doivent évidemment passer en l’urgen¬
ce."6
Le principal moyen d’action des officiers-architectes est en fait de transmettre les
demandes des conservateurs allemands à l’officier français chargé dans chaque région
de la répartition des matériaux avec un avis.
En outre, les architectes français donnent des directives pour la consolidation des
édifices en mauvais état et tentent d’infléchir les techniques de restauration des
monuments dans le sens des méthodes françaises, qui diffèrent sensiblement des
conceptions allemandes. Dans cette optique, Bertrand Monnet* propose la création
de deux chantiers-types de restauration: à Notre-Dame de Trêves en Rhénanie et à
l’église protestante de Freudenstadt dans le Wurtemberg.7 Le choix de ces deux édifi¬
ces témoigne d’un conflit prégnant dans toute l’activité du Bureau de l’architecture:
d’une part la nécessité de se conformer aux directives rigides du Directeur de l’archi¬
tecture, Robert Danis*, très attaché au patrimoine français en Allemagne, et d’autre
part une certaine ouverture d’esprit à la particularité du patrimoine allemand. Notre-
Dame de Trêves est considérée, ainsi le notait Marcel Aubert lors du congrès ar¬
chéologique de 1922, comme la réplique rhénane de l’art gothique champenois, et no¬
tamment de Saint-Yved de Braine.8 L’église de Freudenstadt, très curieuse réalisation
de la Renaissance allemande, n’est en revanche en rien redevable aux influences
bourguignonnes ou champenoises alléguées pour d’autres édifices religieux de la
région: "C’est à sa situation dans un angle que l’église doit son plan unique et étrange.
Elle est en effet composée de deux nefs rectangulaires articulées à angle droit, une
pour les hommes, la seconde pour les femmes, qui de la sorte ne pouvaient se voir.
L’autel et la chaire à prêcher sont à la croisée des nefs [...]. L’édifice fut construit en
1599 sur le plan de l’architecte Schickhardt qui eut le mérite de lui donner un caractè-
5 Bertrand Monnet*, Instructions Générales, 20 juin 1946, AOFAA AC/RA 696,6.
6 Ibid.
7 Bertrand Monnet*, Note pour l’Administrateur Général, novembre 1946, AOFAA, AC/RA
696,7, 3.
8 Marcel Aubert, Notre-Dame de Trêves, in: Congrès archéologique (N. 4) = voir Note 4, p.
98. Voir également l’analyse qu’en fait René Lisch dans une "Note sur les monuments français
et d’influence française", Archives personnelles René Lisch, Paris.
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