années qui précédèrent immédiatement la Révolution. «Il fut agréé presque partout,
relevait un ecclésiastique lorrain de la fin du XVIIIe siècle, en beaucoup d’endroits il
ne se bornait pas au court espace d’une semaine, il prenait tout le temps nécessaire
pour faire entrer les pécheurs dans les sentiments d’une sincère et solide pénitence,
pour entendre à loisir les confessions générales, pour éprouver les dispositions de ses
pénitents et s'assurer d’une persévérance qui tournât au bien des paroisses»41. De fait,
le curé de Réchicourt-le-Château rapporta ainsi le passage de Jean-Martin Moyë
dans sa paroisse:
Pendant l’hiver de 1788 (en février) nous eûmes une mission donnée par M. Moye,
ancien missionnaire en Chine. Elle dura trois semaines, depuis la Septuagésime,
jusqu’au premier dimanche de carême. L’ardent missionnaire entendit les confessions
des trois-quarts de la paroisse, il tenait le confessionnal pendant les huit et neuf heures
de suite, quoiqu ’il prêchât deux fois par jour.
La réputation de sainteté qu’il s’était justement acquise, ses grandes vertus, son émi¬
nente piété, son zèle infatigable dans les travaux apostoliques, dans les missions étran¬
gères, lui gagnaient tous les cœurs, lui attiraient la confiance.
On a remarqué des succès étonnants, de vieux pécheurs rappelés à Dieu, des scandales
réparés, plusieurs conversions qui ont paru bien solides jusqu’ici; grand nombre dont
les consciences étaient embarrassées, les ont remises en ordre.
Il en est bien peu qui n’aient profité en quelque manière de cette mission. La piété et la
ferveur se sont renouvelées dans cette paroisse. Plaise à Dieu, qu’elles s’y soutiennent
longtemps! J'ai cru devoir profiter de cette occasion pour établir une congrégation de
garçons, à l’instar de celle des filles. Il fallait leur prescrire peu d’exercices et de
devoirs. J’ai réduit les obligations des garçons congréganistes à ces trois points princi¬
paux: 1° réciter le chapelet en commun tous les dimanches et fêtes à midi un quart; 2°
faire une demi-heure d’adoration devant le Saint-Sacrement, à l'heure que l'on trouvera
la plus commode; 3° point de danses, point de cabarets, point de courses de nuit. Un
bon nombre de garçons s’y est enrôlé d’abord et les autres même se piquaient d’être
aussi exacts qu ’eux au chapelet42.
Ce compte rendu révèle ce qu’avait à la fois de traditionnel et de novateur la mé¬
thode de Jean-Martin Moyë. D’une part, comme pour tous les missionnaires de la
réforme catholique, la prédication et la confession, cette dernière surtout, étaient au
centre de son activité. Mais, d’autre part, il se distinguait par la longueur de son
séjour dans les villages et par la coordination parfaitement réalisée avec le clergé
local. Par ailleurs, la place considérable tenue par la confession (huit à neuf heures
par jour à Réchicourt-le-Château) et le rôle des sœurs de la Providence, appelées
Citation de l’abbé Chatrian dans Weyland, op. cit., p. 260-261.
Cité dans Weyland, op. cit., p. 259-260.
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