Adam MUobçdzki
Les villes fortifiées en Pologne
L’année 1980 en laquelle nous célébrons le 300e anniversaire de la fondation de
Saarlouis par Louis XIV, est celle d’un autre anniversaire important pour l’histoire de
l’urbanisme européen. 400 ans se seront écoulés cette année depuis la fondation de
Zamosc, l’exemple le plus moderne et le plus remarquable dans le groupe spécifique
de villes fortifiées qui, en Pologne, ont renoué avec les réalisations de l’urbanisme et
de l’art de guerre européens de l’époque. C’est à ces villes que nous consacrons notre
communication. Elle concernera plus précisément, le problème de la réception en
Pologne du modèle moderne de ville-forteresse.
Ce problème ne peut, c’est évident, être envisagé en dehors du large contexte des
réalités politico-institutionnelles, sociales, économiques et culturelles de l’Europe cen¬
trale et orientale de l’époque. Aussi convient-il de faire précéder la présentation des
exemples polonais de ce genre urbaniste, rare mais existant dans toute l’Europe, de
quelques remarques de nature historique et générale, et surtout de prendre en consi¬
dération son immense portée à l’est de l’Etat polonais après son union avec la Lituanie
en 1568. A part les terres ethniquement polonaises et lituaniennes, il englobait alors
de vastes espaces de la Biélorussie actuelle et de l’Ukraine qui étaient depuis le Moyen
Age un terrain d’expansion politique, économique et culturelle polonaise. Il est très
caractéristique que c’est seulement sur ces terres en somme non polonaises qu’étaient
fondées des villes forteresses polonaises. De nombreux facteurs ont influé sur ce rétré¬
cissement de l’étendue géographique du phénomène.
Il faut surtout avoir présent à l’esprit que jusqu’à la moitié du XVIIe siècle, tant que
la Pologne fut un état puissant, ses terres ancestrales ne furent guère touchées par la
guerre, qui aurait pu entraîner la formation d’un réseau de fortifications et d’autant
plus l’implantation de nouvelles villes-forteresses ; plus tard le déclin général de l’Etat
empêche de telles entreprises. Les villes-forteresses n’étaient pas non plus construites
dans les zones frontalières des guerres locales soit avec la Suède au Nord soit avec la
Russie au Nord-Est. On y édifiait sporadiquement des forteresses modernes mais de
petite échelle et l’on modernisait sporadiquement aussi les fortifications des villes plus
importantes.
Seule différait la situation dans la partie Sud-Est de l’Etat soumise à la colonisation
la plus intense, mais réalisée aussi avec les plus grandes difficultés. Ces territoires
furent le théâtre de troubles et de guerres constantes. L’ennemi le plus dangereux
c’étaient les Turcs, dont l’invasion en 1498 dans le Royaume de Pologne fit entrer les
régions en discours dans la zone menacée de l’Europe chrétienne.
Comme dans tous les états de cette zone, le danger turc fut en Pologne un moteur
pour l’essor de la construction et accroissement des forteresses. Une attention particu¬
lière fut consacrée aux fortifications des villes le long de la frontière Sud avec la
Hongrie et la Moldavie, qui en 1501 passa de la suzeraineté polonaise à la turque. En
réalité, l’offensive turque atteignit rarement les terres polonaises et uniquement ses
limites Sud-Est. Elle ne prit de l’ampleur que dans la seconde moitié du XVIIe siècle.
Par contre, chaque année de grandes portions du pays étaient éprouvées de l’Est par
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