mentés par Ernst May à Francfort, sont un bon témoignage des politiques architectu¬
rales des occupations nazies.7
Les projets élaborés pour Strasbourg et pour Thionville indiquent la diversité concep¬
tuelle du spectre des politiques urbaines de l’occupation nazie. Le concours de 1942
pour le plan d’extension de la ville de Strasbourg voit la présentation de projets
essentiellement monumentalistes et traditionnalistes, parmi lesquels la proposition du
leader de l’Ecole de Stuttgart Paul Schmitthenner* est, avec son accent sur les systè¬
mes de transport mécaniques, la plus remarquable. Les dix projets discutés alors
consolident dans une certaine mesure la vision couramment admise de l’architecture
du Nazisme comme grandiose production monumentale.
Cependant, le plan régional élaboré par Rudolf Schwarz* pour la ville de Thionville
et la région de la sidérurgie lorraine, dans lequel le zonage fonctionnel est combiné
avec le thème du Stadtlandschaft, ou paysage urbain, conjugue le symbolisme explicite
d’un réseau de cités occupant les plateaux et orientées vers des centres dominés par
les églises avec les trames fondées sur toute l’expérience de l’urbanisme fonctionnali¬
ste, de la May-Gruppe à Miljutin.
Dans le champ de l’architecture, le spectre est encore plus vaste. D’un côté émergent
les projets de monuments aux morts dépourvus de toute utilitarisme que Wilhelm
Kreis* dessine pour des sites français, avant de les dédier, après 1941, aux steppes
russes. De l’autre, apparaissent dans les villages mosellans les fermes construites par
Emil Steffann* après la déportation brutale des paysans français et notamment la
Notkirche de Boust, lieu de prière provisoire, camouflé en grange. L’étude des gaba¬
rits et des formes géométriques des bâtiments vernaculaires lorrains se conjugue avec
un souci de la rationalité constructive dans des édifices qui entendent devenir les
prototypes d’une nouvelle architecture régionale.
A l’intérieur même de la culture fonctionnaliste persistant sous le Nazisme, des
courants différents se manifestent. A Rhinau, sur la rive occidentale du Rhin, l’ancien
chef d’agence de Walter Gropius Ernst Neufert*, construit une impressionnante usine
linéaire de composants électroniques pour l’aviation, prototype pour la construction
industrielle telle qu’il la présente dans sa Bauordnungslehre. Le travail de Neufert*,
qui avait enseigné avant 1933 dans l’école d’architecture ayant remplacé le Bauhaus
à Weimar, est un relais essentiel entre la culture du Neues Bauen, limitée par le cadre
municipal des politiques la portant, et les stratégies d’Etat du lile Reich.
En revanche, le travail poursuivi par Richard Docker*, ancien responsable de la con¬
struction de la Weissenhofsiedlung de Stuttgart en 1927 et membre du Ring, débouche
sur la formulation d’une norme de construction rationnelle spécialement adaptée aux
Erbhôfe, ces grandes fermes de colonisation construites entre autres dans le Gau
Westmark, dont la capitale est Sarrebruck, et qui unit le Palatinat, la Sarre et la
7 Hartmut Frank, Nostalgie et tradition dans l’habitation allemande des années 20 et 30, la
mise en scène de la Heimat, in: Monique Eleb-Vidal (Hrsg.), La maison, espaces et intimité,
Paris, Ecole d’Architecture Paris-Villemin, 1985, pp. 111-138.
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