la Coopérative est un modèle original où, dans la direction, cohabitent la Municipali¬
té, les philanthropes bourgeois des deux communautés, les syndicats chrétiens et les
syndicats libres. Ainsi, dans le conseil de surveillance de la Coopérative (9 membres),
il y avait deux conseillers municipaux avec droit de blocage, et dans le comité direc¬
teur (7 membres) les syndicats libres étaient représentés par le leader socialiste
Boehle, conseiller municipal d’opposition, et les syndicats chrétiens par le chanoine
Paul Müller-Simonis (1862-1930), leader clérical alsacien bien connu. Les autres
membres dirigeants représentaient les groupes socio-professionnels présents au
pouvoir local: banquiers, négociants, architectes, rentiers, professeurs d’Université et
médecins. Ayant déjà à son actif en 1909 la réalisation de deux Siedlungen populaires
de 380 logements situés dans la Neustadt, la Coopérative a reçu la mission municipale
de réaliser le plan ambitieux de reloger les quelque 460 familles touchées par le
projet de la Grande Percée.
Les autres acteurs importants du projet de cité-jardin sont les architectes influents de
la Ville de Strasbourg. Le Stadtbaurat Fritz Beblo (1872-1947), nommé à ce poste en
1906 par le nouveau maire ambitieux, le Dr. Schwander, peu après son élection à la
mairie, reçoit la mission municipale de diriger, sur le plan architectural et urbanisti¬
que, l’expansion formidable de Strasbourg, en y introduisant une nouvelle architectu¬
re. Ancien élève de Karl Schäfer, architecte et professeur à Karlsruhe, un des grands
leaders du courant architectural régionaliste, le Deutscher Bund für Heimatschutz
fondé en 1905, Beblo non seulement introduit à Strasbourg ce courant architectural
par ses propres réalisations, mais tous les grands travaux municipaux passent par lui,
sur l’ordre même du maire. Il en est ainsi de la Grande Percée et partiellement de la
création de la cité-jardin de Stockfeld.9
Il embauche en 1907 un jeune architecte alsacien, Edouard Schimpf (1877-1916),
ancien élève de Schäfer, régionaliste notoire du courant Heimatschutz, dont le projet
de cité-jardin marquera le plus la cité-jardin de Stockfeld réalisée. En 1905, les frères
Bonatz, Paul (1877-1956) et Karl (1882-1951), gagnent le plus grand projet de cons¬
truction civile de Strasbourg, celui de l’agrandissement de l’Hôpital Civil; il s’agit de
la construction de 11 bâtiments sur 18 ha dont le coût est estimé à huit millions de
Marks. Elèves de Theodor Fischer, le grand architecte et professeur à Munich, un des
fondateurs du Werkbund, Karl et Paul Bonatz seront membres fondateurs de cette
association artistique et architecturale célèbre de l’Allemagne. Karl, qui s’installe à
Strasbourg pour diriger l’opération de l’Hôpital Civil, deviendra rapidement un des
sociales à 200 M chacune, somme minimum fixée en Allemagne avant la guerre de 1914. Hans
Kampffmeyer, un des propagandistes de la cité-jardin de Hellerau à Dresde, grand spécialiste
des cités-jardins, considérait le modèle strasbourgeois comme le plus solide sur le plan finan¬
cier, avec la Coopérative fondée sous le contrôle de la Municipalité et le rôle reconnu et
souhaité de quelques mécènes philanthropes gros bailleurs de fonds (Hans Kampffmeyer, Le
mouvement en faveur des cités-jardins en Allemagne, in: Vie Urbaine, No. 28, 1925, Paris, pp.
639-668), voir aussi: Hans Kampffmeyer, Die Gartenstadtbewegung (le mouvement des cités-
jardins) Berlin-Leipzig 1909.
9 Nohlen (N. 1); Durand de Bousingen (N. 1).
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