strasbourgeois de 1902 réclame déjà l’assainissement du centre historique et la cons¬
truction des logements ouvriers et des cités-jardins dans la banlieue.
Mais dans la mesure où les socialistes ont régulièrement progressé dans la classe
ouvrière, dans les classes moyennes et parmi les intellectuels, la majorité libérale au
pouvoir dans la ville devait s’ouvrir vers ces mêmes classes, ne fût-ce que pour freiner
l’expansion de la SPD. Cette compétition politique locale entre les libéraux et les
sociaux-démocrates est une des clés politiques de la réussite architecturale urbanisti¬
que et sociale de Strasbourg 1900 et ce qui fait aussi que cette ville est alors une des
villes allemandes les mieux réussies. Sans entrer dans le détail, rappelons les grands
projets municipaux réussis avant la naissance de la cité-jardin de Stockfeld: la réalisa¬
tion spectaculaire du plan d’extension de 1880, dit plan Conrath, un des meilleurs
plans d’urbanisme de l’Europe de l’époque; la mise en place d’une politique d’urba¬
nisme social: assainissement du centre historique, coopératives d’habitat, prévoyance
sociale, résorption considérable des logements insalubres; l’adoption du statut de
fonctionnaire de l’employé et de l’ouvrier municipaux; la mise en place institutionnelle
d’un pouvoir municipal: la loi locale du 21 mai 1879, par laquelle le maire devient le
premier urbaniste de tout le territoire municipal et la loi municipale locale, la Ge-
meindeordnung du 6 juin 1895, qui assure à la municipalité une grande liberté de
gestion7; la création en 1898 d’un Office de signalisation des logements disponibles
et de l’inspection des logements; le Conseil municipal vote en 1899 le prélèvement
des centimes additionnels, le Zusatzpfennig, pour financer la démolition des immeu¬
bles insalubres; et la création en 1905 de l’Office municipal des logements.
Le deuxième acteur important du projet de cité-jardin était la Gemeinnützige Bauge-
nossenschaft, qui sera le futur maître d’ouvrage de la cité-jardin de Stockfeld. Cette
mission lui sera confiée par la municipalité, qui a déjà été l’acteur principal de la
naissance en 1900 de cette Coopérative d’habitat locatif tout à fait remarquable, qui
est non seulement la plus ancienne de France, mais aussi une des plus anciennes
d’Allemagne.8 Pour la base sociale de la cité-jardin, il est important de rappeler que
7 "Le Gemeindeordnung - observe Régula - devint très rapidement populaire dans les trois
départements. L’opinion publique y trouvait des garanties contre l’esprit centralisateur de Ber¬
lin. Par ailleurs, grâce à la liberté d’action qui leur était laissée, les villes, Strasbourg notam¬
ment, ont pu prendre en matière d’hygiène, d’urbanisme, de progrès social [...] des initiatives
d’ordre économique auxquelles rendent hommage des visiteurs d’autres provinces ou des pays
étrangers." Jules Régula. Le droit public et privé applicable en Alsace et en Lorraine, Dalloz,
Paris 1938 (cité par Fix, N. 5, p. 10).
8 Sous l’impulsion de la Commission chargée d’améliorer les logements insalubres (Kommis-
sion gegen die ungesunden Wohnungen) créée en 1897, la Ville de Strasbourg démolit entre
1900 et 1911 plus de 900 logements populaires insalubres. Pour les remplacer, la commission
propose au Maire Back de l’aider à créer à Strasbourg une Société Coopérative. C’est l’origine
de la Gemeinnützige Baugenossenschaft. Le président de la commission, le Vieil-Allemand,
Baron Dr. Hans von der Goltz, deviendra Secrétaire du Comité Directeur de la Coopérative;
ce grand philanthrope est, par ailleurs, l’auteur d’une étude, intitulée Das Armenwesen in der
Stadt StraBburg, La Bienfaisance publique à Strasbourg, Strasbourg 1888. Après plusieurs
réunions tenues au cours de l’été et de l’automne 1899, les seize fondateurs décident en
janvier 1900 de se transformer en Assemblée constituante. Les premiers souscripteurs d’un
capital de 340 000 Marks, versent sur-le-champ 10% du capital et portent la valeur des parts
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