mines, installèrent des hauts-fourneaux et firent venir des cadres et des ouvriers. Pour
répondre aux besoins massifs de main-d’oeuvre, les travailleurs italiens arrivaient
nombreux dans le district de la minette en France, en Allemagne, au Luxembourg.
Sur le ban de Thionville, l’industriel prussien Karl Roechling achetait un domaine à
Beauregard avec l’intention d’y construire une usine à fonte alimentée par le minerai
de sa concession toute proche d’Angevillers. Le premier haut-fourneau fut allumé en
1898, trois autres suivirent. La fonte produite était expédiée par voie ferrée dans une
autre usine du groupe à Völklingen où elle était traitée. Comme l’usine d’Uckange
fondée par Stumm, l’usine de Beauregard était une usine-fille de la Sarre. Les cadres
et la maîtrise venaient de cette région et Karl Roechling installa à Thionville l’un de
ses fils Robert, et ouvrit une succursale de la banque Roechling. Pour suivre ces
affaires, le district minier de Metz fut dédoublé et un ingénieur des mines vint s’instal¬
ler à Thionville. Devant la rareté du personnel de maîtrise et d’encadrement, une
école pratique des mines fut ouverte en 1902 afin de former des portons et des chefs
d’équipe qualifiés. Thionville devenait ce qu’elle n’avait jamais été jusqu’alors, une
ville industrielle et une ville de services. En effet, le trafic des produits pondéreux ne
cessait de croître. Pour entretenir le matériel ferroviaire qui, jusque-là, était réparé à
l’atelier de Montigny-lès-Metz, l’administration des chemins de fer d’Alsace-Lorraine
en construisit un second à Basse-Yutz, localité industrielle située sur la rive droite de
la Moselle promue au rang de Cité cheminote. Tout cet élan a incité les responsables
à faire de Thionville une ville moderne.
Le second facteur favorable est d’ordre militaire. Les activités nouvelles avaient
besoin d’espace. Pour le trouver, le débastionnement s’imposait. Il fallait libérer la
ville du carcan des murailles et des multiples servitudes. Cette solution était à portée
de main car les progrès de l’artillerie et la puissance des nouveaux explosifs étaient
tels que les fortifications de pierre à la Vauban, étaient totalement périmées. Pour les
remplacer, le génie militaire avait engagé la construction d’un réseau de fortifications
bétonnées, semi-enterrées, les ’Feste’. L’essentiel était situé autour de Metz; pour sa
part, le secteur de Thionville qui lui était rattaché, comprenait les trois forts de
Guentrange, d’Illange et de Koenigsmacker. Rien ne s’opposait plus au déclassement
et au démantèlement des murailles de Thionville et de Metz. Dans le cas de Thionvil¬
le, le maire, Nicolas Crauser, appuyé par le conseil municipal, engagea des négocia¬
tions avec les autorités militaires. Il était appuyé par toute l’administration civile, le
directeur de Cercle, le Président de Lorraine et les hauts-fonctionnaires du Reichs¬
land. En raison de la complexité du dossier et des exigences financières des militaires,
la procédure traîna en longueur. Crauser se rendit plusieurs fois à Berlin. De guerre
lasse, il s’adressa à l’Empereur qui venait chaque année en Lorraine et qui s’intér¬
essait à Thionville, la cité de son "ancêtre" Charlemagne. Le 27 juin 1901, à bord du
yacht le ’Hohenzollern’ amarré en rade de Kiel, Guillaume II signait le déclassement
de la vieille enceinte de Thionville.
Les travaux de démolition commencèrent bientôt et dégagèrent au profit de la ville
une surface de 56 hectares (trois fois et demi celle de la vieille cité), libre de servitu¬
de. En compensation, la ville fit au génie militaire d’importantes concessions. Elle
aliéna 70 hectares de forêts pour la construction du fort de Guentrange. A plusieurs
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