particuliers, nobles en général, ayant ajouté leurs aumônes. En tout cas il est risqué
de prendre appui sur le cartulaire de Gorze pour juger de la générosité de Chrode-
gang. Dans le même temps il est indéniable que, quelque soit la voie de l’enrichisse¬
ment de Gorze, tout ce qu'elle possédait contribuait à constituer le patrimoine mes¬
sin, car elle était une abbaye épiscopale.
Gorze ne fut pas la seule abbaye fondée à Metz ou dans ce diocèse. 11 faut lui ajouter
Saint-Martin devant Metz, Glandières et Saint-Nabor, Saint-Pierre et Sainte-Glos-
sinde dans la cité. Toutes n’ont pas une situation équivalente, et par exemple Saint-
Martin, abbaye fondée par Sigebert III, n’a jamais fait partie des biens de l’église de
Metz. Il en fut de même à partir d’une certaine époque pour Saint-Pierre-aux-Non-
nains. Les possessions de Sainte-Glossinde, de Glandières et de Saint-Avold à l’in¬
verse ont sans doute partiellement été prises sur le patrimoine diocésain. Metz a reçu,
à une date qu’on ne saurait préciser, Marmoutier et Neuwiller en Alsace. Saint-
Arnoul a sûrement obtenu des aristocrates pippinides ces grosses villae, pour lesquel¬
les les moines ont confectionné plus tard des actes faux, destinés à pérenniser leur
donation. La cartographie des biens de ces abbayes épiscopales permet de dessiner en
filigrane le réseau messin. On sait que des prolongements existaient dans les hautes
vallées de la Meurthe et de la Moselle, mais on en ignore là encore en grande partie
l’origine. La donation de Senones ne permet pas d’expliquer à elle seule l’ampleur
des biens messins sur le bord occidental des Vosges. Pour la région d’Epinal. qui resta
messine jusqu’au XVe siècle, on imagine que Dognéville, centre d’une vaste paroisse
sur le territoire de laquelle fut fondée la ville d’Epinal, sortait du patrimoine de
l’épouse de saint Arnoul, Doda (Dodavilla = Dodiniacavilla). Hypothèse ingénieuse
qui suppose que Doda ait justement fondé cette bourgade en lui donnant son nom.
Cette explication est un artifice pour cacher une simple ignorance.
Puisqu’on ne peut, pas plus pour Metz que pour la plupart des cités, savoir clairement
comment s’est forgé son patrimoine ancien, il paraît plus simple d’admettre que la
fonction de capitale de Metz lui a valu de recevoir des rois de nombreux territoires
dispersés en Austrasie, et même situés parfois loin du diocèse, jusque sur la rive
droite et la rive gauche du Rhin, et aussi jusqu’en Champagne, et vers le sud, jusque
dans le diocèse de Toul. Une cartographie postérieure attentive fait apparaître que
les évêques ont réussi à contrôler parfois loin de la cité, des passages, gués, cols,
ponts, et des carrefours économiques, ou des relais sur des voies de commerce, le tout
très largement dispersé aux points importants de l’espace lorrain, ou plutôt dans la
province de Trêves, car il ne peut être encore question de Lorraine. Prenons l’exem¬
ple de la vallée de la Meuse: Metz tenait Dugny, au sud de Verdun, puis Commercy
et Pont-sur-Meuse; par Dugny les Messins se dirigeaient vers leurs biens argonnais,
par Commercy vers leurs terres des bords de la Marne. Ne prête-t-on pas à l’évêque
de Metz un échange selon lequel il a donné au comte Wulfoald le passage de la
Meuse où se fixera Saint-Mihiel? Si l'on jette un coup d’oeil du côté des Vosges, on
voit l’autorité messine présente depuis le col du Bonhomme jusque dans la vallée de
la Sarre moyenne, et plus tard Otton III a couronné le tout en lui léguant la forêt du
Warndt et Sarrebruck. L’ampleur des biens messins dans la seconde moitié du pre¬
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