Louis Châtellier
Les missions et le changement religieux des campagnes
aux XVII-XVIIIe siècles au pays de Sarrebourg
La région située entre Dieuze-Avricourt à l'Ouest, Phalsbourg-Dabo à l’Est, Sarre-
guemines au Nord et Saint-Quirin au Sud était, sans doute, l’une des plus complexes
des marges du royaume où pourtant l’enchevêtrement des souverainetés était de
règle. Les frontières des trois Etats passaient à travers cet espace limité : le Saint-
Empire, le duché de Lorraine et le royaume de France. Frontières mouvantes d’ail¬
leurs par suite des guerres, des traités ou des acquisitions territoriales au long des
XVIIe-XVIIIe siècles. D’autres princes de moins grande importance à l’échelle de
l’Europe tenaient leur place sur le plan régional. Tels étaient les comtes de Nassau-
Sarrebruck qui revendiquaient Sarrewerden et la prévôté d’FIerbitzheim ou les com¬
tes de Linange établis à Dabo1. Naturellement, ces différents seigneurs en vertu du
principe cuius regio eius religio imposaient leur religion là où s’étendait leur autorité.
L’enchevêtrement territorial avait donc pour prolongement celui des confessions
d’autant plus malaisé à fixer avec exactitude qu’il était soumis à des fluctuations en
raison des aléas de la politique. L’établissement du duc de Lorraine, François II,
à Bouquenom et Sarrewerden en 1629, suite au jugement de la chambre de justice
impériale de Spire, eut pour conséquence l’implantation du catholicisme dans ces
deux bourgs et bien vite dans tout le comté de Sarrewerden et dans la prévôté d’FIer¬
bitzheim2. Mais l’avancée dès troupes de princes protestants dans les années qui sui¬
virent réduisit presque à néant ce premier établissement. De même, la politique dite
des «réunions» entreprise sur l’ordre de Louis XIV par une chambre spécialisée du
parlement de Metz à partir de 1680 et qui conduisit à l’introduction du catholicisme
dans bon nombre de villages de la dépendance des comtes de Nassau-Sarrebruck fut
complètement remise en cause en 1697 par le traité de Ryswick. Les villages qui
avaient été ainsi occupés retournèrent à leur ancien maître qui y rétablit le culte
luthérien, même si des garanties étaient concédées aux quelques communautés catho¬
liques. Dès le début du XVIIIe siècle se manifesta un retour en force du catholicisme
avec le rattachement de la petite ville réformée de Lixheim et de ses dépendances au
duché de Lorraine (1702), tandis que le roi de France à partir des deux places fortes
1 Cette question des frontières politiques en Lorraine orientale reste encore largement à étu¬
dier. On trouvera des éléments dans Guy Cabourdin, L'histoire de la Lorraine, Wettols-
heim, Mars et Mercure, 1977, t.V et VI; Georges Livet, L’intendance d’Alsace sous Louis
XIV 1648-1715, Paris, Les Belles Lettres, 1956, 1080 p.; François-Yves Le Moigne et coli.:
Histoire de Sarrebourg, Metz, Editions Serpenoise, 1981, 401 p.; Henri et Charles Hiegel,
Le bailliage d’Allemagne, 1600-1630, Sarreguemines, 2 vol., 1961 et 1968; Jean Gallet, Le
bon plaisir du baron de Fénétrange, Nancy, P.U.N., 1990.
2 Bouquenom (en allemand Bockenheim) est l’ancien nom de la ville actuelle de Sarre-Union,
créée en 1794.
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