3. Application du tarif
Pour les comptes 1494, 1520, 1524, 1525 et 1530 reproduisant chaque fois le tarif
en vigueur, il est possible d’apprécier le respect de celui-ci par les préposés. Tant
pour ces années que pour les exercices antérieurs ou postérieurs, le calcul du taux
annuel moyen d’imposition des principaux articles permet de déceler stabilité, alour¬
dissement ou allègement de la fiscalité réelle au fil des décennies.
Entre 1494 et 1520 (tableau IV), la taxation d’articles non repris au tarif et, dans
certains cas, l’absence dans le registre des quantités acheminées empêchent toutefois
de recalculer tous les droits: 12,2 % d’entre eux échappent aux investigations en
1494, 47,5 % en 1525. En se limitant aux cas vérifiables, la stricte concordance du
péage théoriquement dû et de celui effectivement acquitté s’observe dans 48,8 %
des passages en 1494 et 58 % en 1520. Si l’on admet une fourchette de 5 % vers
le bas ou vers le haut par rapport au montant tarifaire, on obtient alors 67,7 % et
77,1 % des taxations. Avec la même tolérance, on ne retrouve plus qu’une
quarantaine de pour cent en 1524, 1525 et 1530. À la dernière date, près de 30 %
des chargements acquittent un droit supérieur de 5 à 25 % à celui figurant au tarif.
En 1494 et dans le premier tiers du XVIe siècle, le taux moyen d’imposition ne
s’écarte sensiblement du montant fixé que pour les porcs, les moutons, les harengs
et la laine (tableau V).
Des discordances peuvent résulter d’erreurs de calcul12, d’un manque de soin dans
la mise au net des quantités déclarées ou des droits acquittés et, en cas de sous-tari¬
fication, de complaisances du receveur et du contrôleur, voire d’une collusion de
ceux-ci avec l’imposé13. On ne peut exclure non plus que les autorités laissent au
préposé une certaine marge d’appréciation: des bêtes malingres pourraient être
moins lourdement taxées que d’autres bien en chair; tant du point de vue qualitatif
que quantitatif, une cargaison de légumineuses ou de poteries n’est pas nécessaire¬
ment équivalente à une autre. Hypothèses qu’on ne peut hélas ni infirmer, ni con¬
firmer14.
12 D’une façon générale, les opinions divergent quant à la correction des additions et conversions par
les comptables médiévaux. Cf. DE ROOVER, Aux origines, p. 191; ARNOULD, Estimation, p. 213;
UYTTEBROUCK, Notes, p. 256; Aerts, Comptes, p. 277.
13 Conclusions globalement positives quant au crédit à accorder aux comptes de Vireux-Wallerand
(1463-1561) et de Givet (1540-61) sur la Meuse moyenne (Fanchamps, Commerce, p. 276-277) et
à celui de Meulan (1454) sur la Seine (BAUTIER et MOLLAT, Trafic, p. 254). Il faut dire que, dans
l’un et l’autre cas, le contrôle était possible via d’autres péages appartenant au même souverain. -
Exemples de non-application du tarif en région rhénane dans Jappe Alberts, Rheinzoll Lobith, p.
37-39.
A propos de la confiance vis-à-vis de ce type de documents, voir SCHOLZ-BABISCH, Quellen, p.
XXX-XLV, et DEMANDT, KatzenelnbogenerRheinzollerbe, t. I, p. 1-27.
14 Un seul cas de transporteur tentant de se soustraire au péage a été relevé: amende de 2 fr. 6 gr.
infligée en 1546 à ung quidam qui volloitt passer contelleusement le paissaige de mondit seigneur
par eaue (ADMM, B 9379, f° 51"). - Le record de Remich (1462) prévoit de très lourdes sanctions
contre les mariniers se soustrayant à l’imposition: perte de tous leurs biens, saisie du bateau et de
sa cargaison, amende de haute justice (LECLERCQ, Coutumes, t. I, p. 125-126). - Cas de fraudes sur
la Loire (BOUGOUIN, Navigation, p. 484, note 1) et sur le Rhône (DENEL, Navigation, p. 294).
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