apparaît comme une des personnalités politiques les plus «incontournables» de la Lotharin¬
gie de l'an mille.
Notger mourut le 10 avril 1008 et fut enseveli, conformément à ses voeux, dans sa collé¬
giale Saint-jean-l'Evangéliste, dont le plan octogonal s'inspirait - signe de l'attachement du
fondateur à l'idéologie impériale - de celui de Sainte-Marie d'Aix-la-Chapelle.35
Au terme de ces quelques pages, le lecteur, nous l'espérons, sera convaincu de ce que l'i¬
mage «romantique» de l'évêque Notger, telle qu'elle nous fut naguère proposée - avec
beaucoup de talent, du reste, - par G. Kurth, doit être rectifiée. Notger fut incontestable¬
ment «un grand homme»,36 mais plus exactement un personnage politique d'envergure qui
fut confronté à la brutale réalité de son temps. A relire les sources, se dégage l'idée qu'il
existait une sorte de distorsion entre la manière dont on percevait les problèmes à la cour
impériale - dans les hautes sphères du pouvoir - et les vues qui prévalaient sur le terrain,
dans les secteurs particulièrement menacés. Posté sur les marches de l'Empire, Notger fit
preuve du sang-froid, de la lucidité et du réalisme que la précarité de sa situation imposait.
Il ne convient donc pas de s'étonner de ce que son attitude, vis-à-vis du lignage des Otton,
ait parfois été plus qu'équivoque; il n'est pas surprenant non plus qu'à l'initiative de son
chef, l'Eglise de Liège ait été la première, dans le royaume germanique, à dilater son patri¬
moine par l'acquisition d'un comté entier.37
Il semble bien que pour imposer ses conceptions, - qui, à l'expérience, devaient s'avérer
exactes et fécondes, - le prélat liégeois n'ait pas hésité à faire usage des moyens les plus
radicaux. Sans aller jusqu'à dire que Notger de Liège fut le Talleyrand du Xe siècle, il n'en
demeure pas moins que son pragmatisme laisse rêveur.
Quoi qu'il en soit, le bilan de cet épiscopat dont nous avons tenté de retracer les lignes de
force, fut étonnamment riche: Notger a posé les fondements d'une principauté ecclésias¬
tique qui subsistera jusqu'à la fin du XVIIle siècle;38 il a donné à la cité de Liège une struc¬
ture qu'elle a conservée, en grande partie, jusqu'à nos jours.
35 Cfr KÜPPER, dans Series episcoporum, p. 68 et n. 287-289 (avec indic, des sources). - ID., Archéo¬
logie et histoire, p.383 et n.31. - E. GIERLICH, Die Grabstätten der rheinischen Bischöfe vor 1200,
Mayence, 1990, p. 334-335.
36 KURTH, Notgerde Liège, t.l, p. 5.
37 II est vraisemblable que Notger, comme l'a observé le Professeur K.F. Werner, se soit alors inspiré de
modèles français: dès le milieu du Xe siècle, l'archevêque de Reims et l'évêque de Langres avaient
obtenu des comtés de la générosité des rois carolingiens de l'ouest. Toutefois, c'est dans le royaume de
l'est qu'à la fin du Xe et au Xle siècles, le „système de l'Eglise impériale" devait connaître l'extraordi¬
naire épanouissement que l'on sait. Cfr KÜPPER, Liège et l'Eglise impériale, p. 424 et n. 16 (avec
indic, des sources et bibl.).
38 Sur la politique territoriale des évêques de Liège et plus particulièrement de Notger, voir également:
Fr. THEUWS et A.-J. BIJSTERVELD, Der Maas-Demer-Schelde-Raum in ottonischer und salischer
Kaiserzeit, dans Siedlungen und Landesausbau zur Salierzeit, Teil I, In den nördlichen Landschaften des
Reiches, Sigmaringen, 1991, p. 109-146. - M. SUTTOR, L'Affermissement du pouvoir des évêques
de Liège dans la vallée de la Meuse moyenne, dans Le Temps des Saliens en Lotharingie (1024-1125),
Malmedy, 1993, p. 101-124.
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