Ainsi les fortifications les plus progressives qui reflétaient les modernes idées techni¬
ques et militaires, étaient réalisées en cadre du système féodal contrairement aux inves¬
tissements militaires dans les pays occidentaux qui, à partir de la construction de la
citadelle d’Anvers (1567—1571), étaient de plus en plus organisés d’après le système
capitalistique4.
Les villes-forteresses des magnats alliaient souvent, non sans antagonismes, des
quartiers en quadrillage, des fortifications polygonales et un château-fort. Ce modèle
de ville apparaissait en deux variantes essentielles de correlation entre le château, la
ville propre et les fortifications. Dans la première, le château sommairement fortifié et
la ville se trouvaient à l’intérieur d’une puissante enceinte défensive. Cette variante
caractérise la phase la plus ancienne du modèle, soit la fameuse ville de Zamosc,
fondée en 15805. Dans la seconde variante de corrélation, plus courante et mieux en
accord avec la réalité sociopolitique de ces régions, le château devenait une citadelle,
formant le chaînon principal, fermé, de la forteresse entourant l’agglomération. Un
exemple le plus ancien et, en même temps, classique d’un tel agencement est Zôlkiew,
fondée en 15946. Dans tous les deux variantes, la portion de la ville attenante au
château était en principe vide, formant comme une esplanade. En même temps, la
place de marché de ces villes vit un transfert de la fonction marchande médiévale à
celle d’une place d’apparat moderne et même une place d’armes centrale de la forte¬
resse.
Toutes ces villes-forteresses étaient fondées ou, seulement fortifiées par les capi¬
taines éminents ou par les personnages, qui en général étaient au courant de l’art de
guerre, comme d’ailleurs toute la noblesse en ce temps. La connaissance de la théorie
de fortification était chez eux bien répandue ; il en résulte leur ingérence dans la
manière de fortifier leur propres villes.
Le fondateur de Zôlkiew, Stanisfaw Zôfkiewski fut un remarquable chef militaire
dont les écrits révèlent une brillante éducation philologique mais aux horizons ne
dépassant pas les frontières de son propre pays. Aussi les conceptions et aspirations de
Zôtkiewski furent satisfaites par des fortifications moins parfaites que les bastions7,
qui étaient suffisantes dans les provinces Sud-Est du Royaume, en situation de guerres
de mouvement avec un ennemi dépourvu d’artillerie lourde et ne suivant pas les règles
de l’art de guerre d’Europe Occidentale. Les murailles de Zôlkiew se composèrent
donc de longs murs, hauts et épais, renforcés dans l’enceinte du château par des tours
massives du type puntone et dans l’enceinte de la ville par de petits rondels spora¬
diques. Ce système de fortification était en principe issu de l’architecture d’Europe
Centrale du début du XVIe siècle. Mais au cours de son évolution il assimila plus
d’une fois des modifications techniques et formelles d’origine italienne.
Le fondateur de Zamosc, Jan Zamoyski, était un éminent homme d’état, général et
intellectuel, un personnage à l’échelle européenne. Il n’est donc pas étonnant qu’il
4 H. Soly, De bouw van de Antwerpse citadel, 1567—1571. Sociaal-economische aspecten
(Belgisch Tijdschrift voor Militaire Geschiedenis, Vol. 21, 1976), p. 549—578.
5 S. He rbst et J. Zachwatowicz, Twierdza Zamosc. Warszawa, 1935.
6 M, Osinski, Zamek w Zolkwi. Lwôw, 1935.
7 M. Osinski, op. cit., p. 35—36.
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