Il assure le maintien ou les progrès de la batellerie évêchoise. Celle de Verdun lui doit
sa survie en obtenant, la paix revenue, la maintenance et l’usage, à des fins commer¬
ciales, des 42 bateaux construits par le roi durant la guerre de Succession d’Autri¬
che93. Auxilaires de l’armée dans ses campagnes germano-bataves, les bateliers de
Sarrelouis se reconvertissent sans difficulté, la paix revenue, dans le commerce d’im-
port-export qui utilise les mêmes itinéraires et correspondants, tout en continuant
l’approvisionnement de l’artillerie en soufre et houille94.
Par ailleurs, comme le soulignait Turgot, le sort des métiers du cuir (tanneurs,
cordonniers, selliers) dépendait étroitement des garnisons. Sarrelouis compte ainsi 30
maîtres-tanneurs en 1697, 25 en 1717, 29 en 1756 ... 14 en 1787, évolution que
subit également la draperie avec 38 personnes (dont 21 maîtres) en 1717, 57 (dont 35
ouvriers) en 1756, 38 en 1771, 20 (dont 9 maîtres) en 178795. Les Sarrelouisiens
imputent ce déclin à la création des ouvriers régimentaires et donnent alors de leur
ville pauvre, sans commerce, sans industrie un tableau un tantinet misérabliste que
confirmeraient sa moindre vitalité démographique (180 naissances par an, en moyen¬
ne, de 1770 à 1789 contre 204 de 1750 à 1769) et la baisse de sa population tombant
à 3788 habitants en 178 9 96. Parce qu'une place forte a besoin d’une forte population,
ils tentent de mettre à profit la réunion de la Lorraine au royaume pour obtenir en
compensation la promotion de leur bailliage en présidial par le rattachement de quel¬
ques bailliages lorrains qui amènerait en ville quelques familles supplémentaires d’of¬
ficiers et d’auxiliaires de justice97. Changement d’attitude révélateur : nouvelle pana¬
cée, le grand tribunal relaie la caserne comme facteur de développement. Il affleure
aussi à Verdun et à Metz, même si cette « cause » y joua moins car plus diversifié, le
marché du travail y était moins dépendant des garnisons.
Enfin, dans leur ombre, a grandi la communauté juive de Metz. Usant des latitudes
qu’offrait le régime de la « protection » et confrontés aux désordres financiers nés des
guerres de religion, les gouverneurs de Metz y attirèrent les premiers éléments en les
autorisant à prêter sur gages pour remédier aux difficultés de trésorerie de leurs trou¬
pes. Les guerres du XVIIe siècle et les habitudes prises assurent à ce noyau enracine¬
ment et expansion. Les quatre ménages de 1567 sont 24 en 1603, 294 en 1698, 480
en 1718, 440 en 1769, tandis que ceux du plat-pays passent de 52 en 1702 à près de
400 en 1789. La monarchie sait ce qu’elle leur doit: les chasser des places frontières,
c’est absolument ruiner tout le commerce de ces pays-ci (1694) et sans eux, il est
impossible de soutenir ici le service de l’Extraordinaire de la guerre (1708). Les
immenses services rendus pendant la guerre de Succession d’Espagne et détaillés par
Robert Anchel ne permettent plus de répudier leur droit à résidence, quitte à en majo¬
rer le prix. Aussi Belle-Isle et les intendants des Evêchés ne cessent-ils de les soutenir
93 AD Moselle C 12/18, mémoire sur la navigation de la Meuse, 1750.
94 « Die einstige Bedeutung der Stadt Saarlouis im Schiffahrtsverkehr », Saarbrücker Zeitung,
4 avril 1949 ; Kurt Hoppstädter, Die Saar als Wasserstraße, Zeitschrift für die Geschichte
der Saargegend, XIII, 1963, p. 9—82 ; Y. Le Moigne, art.cité note 83, p. 192.
95 AM Saarlouis K 30 II 372-1 (1717), XII-31/36 (1756) et H. J. Brust, ouvr.cité, p. 35.
96 Ibid., II-c-2 (mémoire du 7 mars 1769), II-9 (rapport de 1788). AD Moselle 7 J 46. H. J.
Brust avance pourtant 4 201 habitants pour 1789, ouvr.cité, p. 37.
97 AM Saarlouis K 30 II-372-3, mémoire de 1779. Cette revendication se développe surtout
après le rétablissement du Parlement de Metz (1775) et à la suite des échanges territoriaux
avec les princes germaniques.
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