tomber la place la mieux défendue en trois semaines, et aux moindres frais en vies
humaines.
Mais, il est évidemment impossible de garder secrète une telle méthode, malgré le
soin jaloux apporter à la conservation de l’exposé des principes : nos adversaires
apprennent à leurs dépends les procédés de notre grand Ingénieur et ne tardent pas à
les retourner contre nous, mettant Vauban-constructeur dans la position difficile de
l’Inventeur victime de sa propre invention et le condamnant à se dépasser lui-même.
Les 2e et 3 e « Systèmes »
En fait, au moment où sa nouvelle méthode d’attaque a pris corps, Vauban a
achevé ou du moins réglé les plans de la plupart des places constituant les pièces du
nouveau système de défense des frontières du royaume. Force est donc, pour lui, de
modifier sa « première manière » pour la mettre à hauteur des progrès de l’attaque.
En 1687, à l’occasion des travaux de l’enceinte de Besançon, Vauban assure le flan¬
quement de l’enceinte bordant le Doubs, à l’aide de tours à canon bastionnées, seule
formule permettant à la fois de se mettre à couvert des hauteurs dangereuses domi¬
nant la ville et de laisser les courtines en rive du Doubs, pour garder l’obstacle de la
rivière sans réduire la surface urbanisée de la Ville. La même année, à l’occasion des
projets de Belfort et de Landau, et pour des sites sans rapport avec le cas particulier de
Besançon, l’idée lui vient d’utiliser ces mêmes tours à canon comme organes de flan¬
quement de l’enceinte de sûreté, dissimulées derrière les bastions détachés de l’enceinte
extérieure, dite de combat.
Il introduit ainsi l’échelonnement en profondeur de la défense, principe tout nou¬
veau et caractéristique du « 2° système », perfectionné onze ans plus tard lors du pro¬
jet de Neuf Brisach, archétype du 3° « système ». Telles sont les grandes lignes de la
pensée technique et tactique d’un homme dont ses successeurs immédiats ne surent ni
comprendre ni faire fructifier l’héritage spirituel.
Fortification et infrastructure
Nous n’avons parlé jusqu’ici que géométrie et tactique : les travaux entrepris à Lille
en 1668, mais en même temps à Arras, à Ath et ailleurs, prennent tout de suite une
toute autre dimension. Le jeune Louvois qui remplace son père au département de la
Guerre, et à qui Vauban doit sa promotion, va doter les armées royales d’une infra¬
structure logistique, dont l’absence, jusque là, avait été cause d’essoufflement rapide et
de paralysie.
De simples composants de nos lignes de défense, les places vont devenir arsenaux,
magasins, garnisons, bref de véritables bases au sens moderne du terme. Pour loger les
effectifs de plus en plus nombreux que Louis XIV conserve sous les armes en temps de
paix, Vauban et son équipe créent pour la Citadelle de Lille des bâtiments de casernes,
modulés à partir d’une cellule élémentaire, et en complément, les pavillons d’officiers
correspondants. Le plan-type, solution commode pour l’établissement des program¬
mes budgétaires et des projets, en est gravé sur cuivre en 1679 et diffusé dans tout le
royaume à la demande de Colbert.
A ceci viennent s’ajouter les magasins à poudre « à l’épreuve de la bombe », les
arsenaux, à la fois dépôts, ateliers de construction et de réparation du matériel, les
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