l'abstrait universel et le positif
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sont reconnues comme en étant la pensée, avec cette
réserve que les idées ne sont pas réelles et que la réalité est
formée par les idées réalisées.
La réalité, qui pour Platon et tant d’autres après lui
est propre à la nature, ne s’oppose et ne s'ajoute à l’idéal
qu’autant que celui-ci doit exister ou existera, et que la réa¬
lité elle-même existe déjà, l’idéal devant exister tandis
que la réalité existe. Du reste, si Platon affirme que ce qui
existe vraiment, ou plus exactement est, est l'idée et non
la chose, il parle exclusivement de Y exister ou de Y être dans
la pensée, et non pas de Y être qui ne serait pas la note d’un
concept, comme Kant et ses adeptes l’ont dit en se pla¬
çant exactement au même point de vue que Platon lui-même
pour arriver à opposer les idées aux choses. Car ni ce phi¬
losophe ni personne après lui n’a songé à dire que l’idée
du cheval est un cheval pouvant être monté.
18. Le positif. — La nature d’Aristote, l’individu,
est précisément cet être et non ce qui doit seulement être.
C’est en un mot le positif. Et le positif est ce qui est posé, ce
qui est esse ayant cessé d’être fieri, aussitôt et dès qu’on le
conçoit, si on le conçoit comme l'effet ou le résultat d’un
processus, car alors on ne pense pas qu’il n’y ait que le prin¬
cipe, ou le processus encore en développement, mais bien
qu’il y a déjà le résultat. Le facere a cédé la place au factum,
le processus de sa formation est épuisé. Telle est la signi¬
fication attachée en général au terme de positif. Le fait histo¬
rique est positif, parce qu’il n’est plus l’idéal d’un peuple
ou d’un homme, mais une réalité déjà effectuée et que per¬
sonne n’a le pouvoir de faire qu’elle n’ait pas été. Réalité
qui s’impose, comme une force inéluctable, à l'esprit,
qui semble la subir dans la forme purement théorique
de son action. Tout fait appartenant à la nature est donc
positif, en tant qu’observé, déjà observé, et on ne saurait
par conséquent dire qu’il sera, mais qu’il est, ou mieux
encore qu’il a été. Aussi dira-t-on qu’un homme est posi¬
tif, lorsque dans ses spéculations ou ses actions il ne consi¬
dère pas ce qui doit mais pourrait ne pas être, s’en tenant
exclusivement à ce qui est déjà, effet du passé, que per¬