68
i/esprit, acte pur
donc inconnaissables dans leur individualité pour saint
Thomas, comme elles le sont pour tout nominaliste.
Les choses ne deviennent guère mieux connaissables à la
lumière du concept universale ante rem. Cet universel, étant
lui aussi bien différent des deux autres, ne peut par con¬
séquent garantir la valeur du troisième qui se réalise dans
l'intelligence de l’homme. D'autre part, la réalité de l’uni¬
versel, qui s’actue dans la chose individuelle mais est
déjà réalisée dans l’intelligence divine, étant présupposée
à cette même chose, rend incompréhensible ce en quoi
pourrait consister son actuation ultérieure, puisqu’elle
est déjà parfaitement réalisée avec toutes ses détermina¬
tions possibles dans l’idée, que Dieu ne se résoudrait jamais
à réaliser si elle était imparfaite.
La conclusion inévitable est donc que Y universale ante
rem reste lui aussi isolé, enfermé dans sa pure idéalité, en
dépit de la compagnie de ses frères in re et post rem, et
ne saurait nous expliquer l’être du particulier. Si le monde
est précédé par sa propre idée, et si celle-ci est réelle
(c’est-à-dire réalisée), le monde devient impossible. Or
cette constatation nous met en présence d'une antinomie
insoluble : la réalité du particulier reste incompréhensible
sans la réalité de l’universel, et la réalité de l’universel
rend incompréhensible la réalité du particulier.
6. L’antinomie des universels. — Cette seconde anti¬
nomie est encore plus angoissante et irritante que celle qui
surgit de la recherche du principe individualisant. Et cela
parce que l’universalisation du particulier est une condition
sine qua non de sa conception. On peut même affirmer que
penser le particulier et l’universaliser ne sont qu’un seul et
même acte. Et sans particulier, hic et nunc, il n’y a pas de
nature et tout ce qui est concret, la vie de notre vie, nous
échappe et s’évanouit. D’autre part, universaliser équivaut
à idéaliser, et à voir s’évanouir également, quoique de façon
opposée, toute la réalité qui est toujours particulier, indi¬
vidu, chose déterminée.
7. Descartes, la métaphysique et Vempirisme. — Avec
Descartes la philosophie commença à se soustraire nette¬