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l’esprit, acte pur
ne fasse pas des res gestae le présupposé et l’antécédent
déjà consommé de son historia rerum gestarum.
Malheureusement l’historien, donnant moins d’impor¬
tance à la spiritualité organique qu'à l’élément posi¬
tif, mal compris, des événements historiques, incline à
considérer l’histoire de la même façon que le naturaliste
la nature, et confond volontiers le positivisme historique
avec le positivisme naturaliste. Il oublie ainsi que le savant,
en tant que naturaliste, est nécessairement positiviste
puisqu’il part du présupposé que la nature existe, qu'il
peut la connaître et qu’elle est connaissable. Or elle n’est
connaissable qu’autant qu’elle existe, que son être soit connu
ou non. Parler de la nature est en effet parler de quelque
chose que l'esprit trouve devant soi, déjà réalisé quand il
entre en rapport avec elle. Et le positivisme n’est qu’une
philosophie qui conçoit la réalité comme une réalité effec¬
tive, indépendante de tout rapport avec l'esprit qui l’étudie.
L’histoire a sans doute une certaine analogie avec la
nature, due à la positivité de ses événements ; mais son
intelligibilité consiste dans l’unité de la réalité où se
trouve, aussi bien que l’histoire, l’intelligence de l’historien.
Il est impossible qu’il existe une histoire d'un passé qui ne
nous serait pas intelligible (par exemple parce que les do¬
cuments qui en font preuve seraient indéchiffrables). Entre
les personnages de l’histoire et nous il existe inévitablement
des liens : un commun langage, une spiritualité commune,
une parfaite identité de problèmes, d'intérêts, de pensée.
Cela seul suffirait à indiquer que nous appartenons à un
même monde, à un même processus de réalisation : réa¬
lisation d’une réalité qui n’est pas réalisée du fait que nous
instituons la recherche historique, mais est notre vie en
acte. Aussi est-il permis de dire que si la nature n'est
la nature qu'en tant qu’antécédent de l’idée de la nature,
l’histoire n'est l’histoire qu’en qualité de pensée de l’his¬
torien.
Par conséquent nous n’aurons devant nous qu’une nature
brute, matière sourde aux interrogations de l’esprit, si nous
ne ressentons pas cette identité entre nous et l’histoire,
le prolongement de celle-ci et sa concentration dans notre