28
l’esprit, acte pur
9. L'intuition de l'esprit. — L’on voit combien est dif¬
ficile le concept de l’esprit comme processus. Il doit en
effet lutter contre toutes les abstractions de la pensée
ordinaire et de la science (qui ne vit que dans l’abstrac¬
tion) ; abstractions qui en pressant inlassablement la pensée
la ballottent et lui rendent pénible l'intuition exacte de la
vie spirituelle. C'est pourtant à cette intuition qu’il faut
demander, à tous les instants d’intense vie spirituelle, les
règles et les inspirations qui nous guident vers la science
et la vertu, et qui remplissent d’autant plus nos âmes
qu’elles font plus fortement vibrer les cordes tendues des
efforts intérieurs.
10. L’unité de l'esprit. — L’unité de l’esprit qui vit dans
cette intuition a été plus ou moins clairement remarquée
par tous les philosophes, mais il semble qu’aucun d'eux
ne l’ait nettement affirmée comme unité non multipliable
et infinie.
L’unité de l’esprit n’est pas multiplia ble parce que,
quelle que soit la psychologie selon laquelle nous nous
efforçons d’analyser et de reconstruire la réalité spirituelle,
il n’est jamais possible de concevoir cette réalité comme
pouvant se décomposer en parties, concevables à leur
tour comme autant d’unités privées de rapports entre
elles. Aussi la psychologie empirique se fait-elle un devoir
d'affirmer que tous les éléments se fondent en un tout, et
que tous les faits ont un centre commun de référence en
vertu duquel ils assument précisément leur caractère
psychologique, spécifique et essentiel, bien qu’elle distingue
divers faits psychologiques dans un état de conscience
complexe, et énumère des éléments divers comme termes
de ses analyses. Dans les anciennes psychologies spécula¬
tives (dont le point de départ était également empirique),
nous retrouvons du reste, au milieu de distinctions abstraite¬
ment établies entre les différentes facultés de l’âme, l'af¬
firmation constante de l’unité indivisible ou, comme on
disait alors, de la simplicité de l’esprit en qualité de base
et de substance commune aux différentes facultés. La vie,
la réalité, et la qualité qui rendent concrète l’activité